Fautes d’orthographe, cinéastes blagueurs, papas et poppers.
Non content de conserver jusqu’ici une santé éclatante, j’ai même commencé hier matin à m’occuper de celle des autres, accourant au chevet d’une consœur frappée de paralysie intestinale à force de rentrer son ventre dans des robes trop serrées, muni d’un paquet de Kiri et d’une boîte d’antispasmodique. Sur le chemin, je tombe sur ce truc.
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Le type en charge de cette affiche a fait une faute d’orthographe au nom de l’actrice principale de Star Wars. Je suis sûr que c’est le genre d’enfoiré qui prononce Yan Solo, voire Leïla Skywalker.
Sur la Croisette, les teams commencent à se former. Comme chacun sait, la stratification sociale fait rage sur la Riviera, et les journalistes sont classés par couleur de badge, selon l’importance de leur média, leur ancienneté, etc. Classé parmi les bleus, je propose un hymne à entonner dans la file d’attente (les roses pourraient répondre du Edith Piaf, les jaunes un petit Yellow Submarine…). Bon, ça ne prend pas.
Mon père est très peu enthousiaste pour mon séjour cannois.
Murielle Joudet du Monde (et de chez nous aussi, mais moins) est à peine arrivée et commence déjà à se plaindre : « j’en peux plus des projos de 8h30. – Mais t’en as fait combien ? – Aucune. » Quant à moi, le défi que je me suis fixé l’autre soir, c’était de faire une soirée intégralement sans un rond. Pour être franc, disons plutôt que je n’ai pas fait exprès de quitter l’appart Inrocks sans mon portefeuille, et que j’ai eu la flemme de faire l’aller-retour ensuite. En fait, c’est assez facile : la première technique consiste à dîner avec des amis qui ont « besoin de faire des notes de frais », avec le double avantage de manger gratuitement et de rendre service (c’est quand tu veux !). La seconde, c’est bien sûr la chasse aux cartons d’invitation et les open bars qui vont avec. Ça commence pour moi à la fête d’Ava, avec un petit piège : la réalisatrice Léa Mysius travaille en étroite collaboration avec sa sœur jumelle, Esther, également présente, du coup les journalistes sont un peu paumés. Je présente le patron Jean-Marc Lalanne à Léa, enfin je crois, puis nous migrons avec quelques gais lurons vers la villa Schweppes. Le barman ressemble comme deux gouttes de Tonic à Rabah Slimani, mais je crois que je suis le seul à le remarquer dans cette corporation qui aime bien parler foot entre les projos mais se fiche totalement du ballon ovale.
Mai Lan enrobe la salle déjà bien remplie à notre arrivée, préparant le terrain à un set agréablement violent de Kavinsky qui nous empêche un peu de parler entre nous, mais c’est sans doute pas plus mal vu la qualité de nos conversations à ces heures avancées. La terrasse du casino est généreusement remplie, les verres aussi, et nous restons bien trop longtemps. Ce sera ma nuit la plus courte (what did you expect) : trois heures glissées entre la dernière gorgée et le premier plan du Robin Campillo, qui a envoûté une bonne partie de la profession – on tient quand même, mais le soir suivant, je m’engage à faire 1) avec un peu plus d’argent et 2) avec un peu plus de raison.
Arthur Harari, qui traîne au festival 3 jours après avoir animé une discussion avec le carrossé d’or 2017 Werner Herzog, réalise des films plutôt drama, mais en réalité c’est un gai luron (il fait plein d’imitations, par exemple). Je pensais me trouver tranquille à ma projection en Semaine de la critique, jusqu’à ce qu’il vienne s’asseoir à côté de moi pour me souffler des blagues à l’oreille pendant les vingt minutes de présentation du film. J’avais l’impression d’être un des ados du fond du bus. Le critique et sélectionneur Nicolas Schaller nous explique sur scène qu’il aimerait que nous découvrions le film « de la même manière que nous l’avons découvert nous », on redoute donc qu’on nous le passe via un lien privé Vimeo au milieu d’un programme de 670 premiers longs-métrages taïwano-péruviens, ce qui nous causerait quelques ennuis d’emploi du temps, mais finalement ça va, il voulait juste trouvé une façon élégante de dire qu’il souhaitait nous en révéler le moins possible (c’est ça ouais, t’as rien préparé surtout). Pas de bol : le réal débarque juste après et spoile tout.
Le soir, des potes de Télérama nous accueillent sur leur incroyable rooftop jouissant d’une vue à 360° dont les palaces du front de mer ne peuvent même pas se targuer. L’objectif de la nuit, c’est d’attaquer la fête du Robin Campillo et on aurait tort de s’en priver. Animée par Céline Sciamma puis Arnaud Rebotini, qui a aussi signé la musique du film, la soirée offre le moment de réjouissance cannoise le plus extatique de l’année, voire depuis quelques années : festivaliers envoûtés, « océan d’amour et de poppers » (pour de vrai, une mystérieuse femme circule sur le dancefloor un flacon à la main et en distribue à tout va), béatitude collective rythmée par des beats parfaits et tentative un peu insistante d’imposer en nouveau standard de la teuf cannoise (au même titre que le Diamonds de Rihanna incontournable depuis Bande de filles ou le I Follow Rivers installé par La Vie d’Adèle) le Smalltown Boy de Bronski Beat, entendu une demi-douzaine de fois si on additionne les playlists du film et de la soirée.
Quittons nous sur l’image la plus emblématique de cette 70e édition.
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