Alors que l’on célèbre aujourd’hui la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, l’Argentine fête également un anniversaire : les 5 ans de sa loi sur l’identité de genre. Une mesure qui « change la vie », témoignent Julian, et d’autres Argentin(e)s dans son cas.
« Cette loi m’a sauvé la vie ». Diego, 23 ans, fait partie des plus de 5 700 Argentin(e)s qui ont bénéficié de la loi sur l’identité de genre, première loi d’une telle étendue adoptée dans le monde. Pour voir un M à la place du F qui avait été inscrit à sa naissance sur ses papiers, Diego n’a pas eu besoin de justifier d’un quelconque traitement hormonal, ou d’une opération chirurgicale. « Cette loi induit une dépathologisation du transsexualisme », analyse Vanessa, qui a demandé son changement de sexe au lendemain de la promulgation de la loi, il y a 5 ans.
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C’est en effet sur une simple demande administrative, et non devant un tribunal, que les Argentins qui le souhaitent peuvent demander une modification de leur prénom et de leur sexe. La seule condition : récupérer son acte de naissance.
« Ce n’est pas toujours facile, soulève Vanessa, car les personnes trans perdent souvent contact avec leurs proches, leur famille, et même avec les institutions, et notamment avec celles du lieu où elles sont nées ».
Les transgenres et transsexuel-le-s sont en effet toujours en proie, bien souvent, à des conditions de vie difficiles. En Argentine plus particulièrement, leur espérance de vie dépasse à peine les 35 ans en moyenne, et le travail sexuel fait partie de la vie de 6 personnes sur 10 selon un rapport publié par plusieurs associations en octobre 2016. Obtenir des papiers conformes à leur identité « auto-perçue » est donc un combat parmi d’autres, mais un combat que les associations ont remporté.
Pas un simple bout de papier
Loin d’être un simple bout de papier, la carte d’identité, plus connue sous l’acronyme DNI en Argentine, marque la reconnaissance par l’État de citoyens trans, comme en témoigne Julian :
« Quand j’ai eu mon nouveau DNI entre les mains, je ne pouvais pas le croire : l’État me reconnaissait tel que j’étais vraiment, et tel que j’avais toujours été ».
Pour ce jeune garçon de 28 ans, il ne suffit malheureusement pas de dire « Je m’appelle Julian » pour être reconnu comme tel : « Si on vivait au milieu de nulle part, ça pourrait être le cas ; mais on vit en bureaucratie, dans une société où on a tout le temps besoin de papiers ».
À la banque, pour trouver un travail, pour louer un appartement… Quand les papiers d’identité ne coïncident pas avec la personne qui les présente, il peut vite y avoir un malaise. « Imagine, tu te présentes pour faire un crédit, raconte Vanessa. Et là, tu sors ta carte avec ton nom masculin, ta photo masculine… Là, on te regarde, et on te dit : ‘Mais… c’est la photo de ton frère.. ?’ Et toi : ‘non, c’est moi’. Cela génère une violence de la part des autres personnes qui ne connaissent pas cette situation, ou de la gêne, des rires… », constate-t-elle. La loi apporte en ce sens une certaine sécurité, explique Julian : « Quand il était inscrit ‘féminin’ sur mes papiers, c’était problématique, d’abord pour moi, mais aussi pour les autres », se rappelle-t-il :
« Chez le médecin par exemple : j’étais dans la salle d’attente, et on m’appelle : ‘Madame…’. Je me lève, avec ce corps, ces habits… J’avais honte ».
Un premier pas vers d’autres droits
Avec cette loi, plus besoin de se justifier, ou de se cacher. « Ce n’est pas parce que tu as des nouveaux papiers que tu te réveilles le matin sans plus aucun poil, avec un corps de rêve, plaisante Vanessa. Mais quand tu as un DNI qui reflète ton identité, ça booste ton estime de toi, ça te permet d’affronter le monde qui t’entoure », résume-t-elle. C’est ce qui a permis à Diego de sortir de chez lui, alors qu’il vivait enfermé, avec des pensées suicidaires : « Sans la loi, je ne serais peut-être pas là pour parler aujourd’hui », confesse-t-il.
Tous les trois ont même décroché un travail, ce qui reste difficile pour la plupart des personnes trans : dans l’étude publiée en octobre 2016, seules 18% des personnes interrogées avaient un emploi déclaré. Malgré une législation extrêmement progressiste, les discriminations persistent. « Tu peux faire autant de lois que tu veux, s’il n’y a pas un changement dans les mentalités, ça ne sert pas à grand chose, estime Diego. Mais cette loi, c’est un premier pas vers d’autres droits ».
La France va (très) doucement, elle aussi, vers une dépathologisation du transsexualisme. La loi du 18 novembre 2016 interdit en effet qu’un changement de sexe sur ses papiers d’identité soit refusé au motif que la personne n’a pas « subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ». Un premier pas qui n’a cependant pas encouragé la Cour de Cassation à accorder le sexe neutre à une personne aux « organes sexuels indéterminés » le 4 mai dernier.
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