Pour s’amuser encore des jeux de l’enfance et épingler les frasques de l’âge adulte, Miet Warlop décline les scénarios drolatiques d’un théâtre qui se passe des mots.
Dans After All Springville, la plasticienne et performeuse belge réunit deux de ses pièces précédentes, manière d’augmenter la concentration du mélange détonant de l’humour singulier qui préside à la réalisation de ses spectacles.
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Douze ans après la création de Springville, cette nouvelle mouture se complète ainsi des langues de belle-mère géantes de son installation, Amusement Park.
Un monde halluciné
L’univers de Miet Warlop fonctionne à la manière des charades dans une avalanche de gags s’articulant en suivant les principes des comptines sur l’air de “J’en ai marre, marabout, bout de ficelle”. La puissance d’un imaginaire où l’enfance demeure le soubassement des pratiques adultes. After All Springville sonne comme une référence au fameux Spring Break, cette pause propice à la décompression et aux libations, que s’accordent les étudiant·es outre-Atlantique. On peut ainsi imaginer la pièce comme la dérive hallucinée d’un cerveau embrumé au lendemain d’une soirée trop arrosée dont on se réveille avec une sérieuse gueule de bois.
Sur le plateau, la silhouette d’une cabane en carton fait office de boîte de Pandore. Comme si le premier réflexe de survie au matin était d’effacer les traces des désordres de la veille, un homme saute par la fenêtre pour sortir les poubelles. À sa suite, l’impayable défilé de personnages mi-humains mi-objets témoigne des difficultés du retour à un fonctionnement neuronal normal. Une armoire électrique sur pattes pète littéralement les plombs dans des gerbes d’étincelles, tandis que sous une nappe blanche impeccable, une table ronde se déplace en bas noirs et talons aiguilles en espérant être prête pour le petit-déjeuner. Pour venir compléter le tableau d’une réalité cul par-dessus tête, un géant ayant perdu la boussole se cogne sans cesse aux murs tandis qu’un carton de déménagement se rêve en robot dans une saga hollywoodienne.
Des objets habités
Inspirée par les scénarios catastrophes des films du cinéma muet, Miet Warlop signe un hommage contemporain à la comédie du slapstick chère à Charlie Chaplin et Buster Keaton. Sa petite communauté d’éberlués hybrides a l’art de provoquer des rires très purs et exempts de moquerie. “Les objets me fascinent”, précise l’artiste, “mais j’ai aussi et surtout de l’affection pour eux. Pour moi, les objets ne sont jamais fonctionnels. Ils ont une âme et un cœur aussi. C’est ce que j’essaie de démontrer en leur insufflant ou en leur ôtant la vie.”
Mis au service d’un drolatique cruel qui conserve toujours une forme de pudeur, ce supplément d’âme qui caractérise les spectacles de Miet Warlop est un secret précieux qu’elle partage avec nous comme une leçon de vie.
After All Springville, conception et mise en scène de Miet Warlop, le 23 juillet à 19h30, le 24 juillet à 15h30, Théâtre Paris-Villette. Festival Paris l’été, du 11 au 31 juillet 2022.
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