François Hollande adore parler à la presse. Mais s’il a ainsi tenté d’influer sur la situation, ses propos l’ont souvent desservi. Comment expliquer les ressorts de cette addiction ?
Le brouhaha s’estompe : l’heure de la conférence de presse a sonné. Comme d’habitude, l’homme prend la parole, griffonne des notes, fait quelques bons mots. Il est heureux d’être là, se sent à sa place. Enfin. D’autant qu’une fois n’est pas coutume, il n’est pas derrière le pupitre pour répondre aux questions. Aujourd’hui, le journaliste, c’est lui. Les oiseaux chantent, la vie est belle… jusqu’à ce que le réveil sonne. Paf, tout cela n’était qu’un doux rêve pour François Hollande.
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Voilà, on vient d’imaginer un des songes que pourrait faire notre ancien – à quelques jours près – Président. Ne faisant pas partie des quelque soixante-dix reporters ayant son numéro et conversant régulièrement avec lui – une comptabilité établie par Valérie Trierweiler –, on n’a pas pu lui demander en personne si tout cela était plausible.
“Il se délecte des rencontres avec les journalistes”
Une chose est sûre : il n’a jamais caché son appétence – son addiction – de journalisme, profession qu’il a lui-même exercée un temps, au Matin de Paris, dans les 80’s. Ce n’est pas la fin de son quinquennat qui changera cela – et ce, malgré les nombreuses voix jugeant que cette passion, d’abord intéressante pour sa carrière, a fini par le desservir. Un exemple ? Alors qu’il avait déclaré qu’il ne parlerait pas de la présidentielle avant le premier tour, celui que bon nombre estime être un journaliste frustré a finalement donné des interviews au Monde et au Point.
“Aujourd’hui encore, il se délecte des rencontres avec les journalistes. Il ne peut pas s’en empêcher, c’est plus fort que lui”, raconte Fabrice Lhomme, coauteur avec Gérard Davet, son confrère du Monde, d’Un président ne devrait pas dire ça…
“Le livre a été utilisé par Valls pour amplifier sa déstabilisation”
Fruit de soixante et un entretiens répartis sur cinq ans, ce livre, empli de déclarations plutôt borderline (sur les magistrats, les opérations “homo”…), est vu par beaucoup comme un catalyseur de l’impopularité du Président. “Ce n’était pas le calcul initial, déclare Julien Dray, l’un de ses proches au PS. Le livre a été utilisé par Valls pour amplifier sa déstabilisation.”
A contrario, son directeur de la communication, Gaspard Gantzer, rappelant qu’Hollande “respecte profondément les journalistes, ce qui est rare en ces temps de media bashing” – poke Fillon et Le Pen –, estime “que faire ce livre était un très bon choix, de quoi remettre en perspective, sur le temps long et en toute transparence, l’action menée pendant cinq ans”.
“Après la publication, il s’est retrouvé encore plus seul qu’avant”
Gérard Davet, se remémorant au passage les rendez-vous chez lui ou chez son collègue, mais aussi dans le bureau d’Aquilino Morelle, ex-conseiller du Président, en est moins convaincu : “Après la publication, il s’est retrouvé encore plus seul qu’avant. Dans sa tête, ce livre devait lui servir de marchepied vers une seconde présidence. Ça a plutôt été un ascenseur vers le sous-sol.”
Fabrice Lhomme abonde, racontant comment “du fait de sa haute estime de lui-même – “J’ai un sentiment de supériorité très très fort”, leur déclare-t-il dans l’ouvrage – il était sûr de nous avoir convaincus, et que ces pages allaient restituer cela. Or, notre travail était nuancé”.
On retrouve là un trait de caractère explicité par Hollande lui-même, dans un des nombreux autres livres consacrés à ses cinq ans à l’Elysée – à noter également son accord pour d’autres projets, BD ou documentaires. Ainsi, dans Conversations privées avec le Président, les journalistes Antonin André et Karim Rissouli rapportent ces propos : “Un journaliste, même un bon journaliste, un journaliste sérieux, on peut toujours le guider, l’orienter (…). Il suffit donc de lui donner le bon angle, la bonne approche et la bonne information, parfois même une information bidon, ça fonctionne.”
“Il y a toujours des relations entre les politiques et les journalistes politiques”
Pour Elsa Freyssenet, journaliste aux Echos et auteure de Ça n’a aucun sens – livre également alimenté par des entretiens –, cela n’est pas propre à Hollande, certes connu pour avoir toujours été “une bonne source” : “Il y a toujours des relations entre les politiques et les journalistes politiques : chacun utilise l’autre.”
Mais elle remarque un changement entre le Hollande premier secrétaire du PS – “A ce moment-là, il parlait surtout des autres, il fallait le traquer pour qu’il parle de lui” – et le Hollande président de la République – “Il était tout disposé à parler de son action… mais sans expliquer ce qui l’avait amené à faire tel ou tel choix.” En tout cas, une chose est claire selon elle : “Il ne fait pas dans l’affectif, il continuera à parler aux journalistes si ça peut lui servir.”
“Il aime l’idée d’avoir une influence via les médias”
Jérémy Collado, ex-journaliste, désormais auteur et chroniqueur politique, qui publia en 2016 Je fais attention à tout, un livre sur la jeunesse du Président, dit la même chose : “Il n’aime pas les journalistes comme personnalités, il aime l’idée d’avoir une influence via les médias. A contrario d’un Chirac qui ne voyait que des directeurs de rédaction, Hollande fait du off avec tout le monde. Il s’est dit que tous allaient l’encenser, sauf que ça a été l’exact inverse.”
Un Hollande-bashing que le principal intéressé n’a, semble-t-il, pas trop mal vécu, comme en témoigne cette anecdote rapportée par Fabrice Lhomme : “Un jour, il nous raconte comment une journaliste lui a fait un sale coup. On lui demande s’il la voit toujours. Sa réponse ? ‘Ah oui, elle était ici-même hier !” Au moins, la rancune ne fait pas partie du personnage.
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