Jusqu’au 16 octobre, à Amiens (Picardie), a lieu la 13ème édition du Festival international de jardins | Hortillonnages Amiens, portée par l’association Arts & Jardins / Haut-de-France. Au programme : 46 créations artistiques et paysagères, dont 12 inédites, à découvrir à pieds ou en barque électrique.
Des canards, des arbres, des nénuphars, le bruit du vent, un étang aussi beau sous le soleil que recouvert de brume, des potagers et bien sûr des créations artistiques : se rendre au Festival international de jardins | Hortillonnages Amiens, au cœur de 300 hectares protégés, est la garantie d’un dépaysement total, couplée à la découverte d’œuvres artistiques, architecturales et paysagères s’intégrant parfaitement à l’environnement. Créé en 2010 par Gilbert Fillinger, à l’époque directeur de la Maison de la culture d’Amiens, cet événement porté par l’association Arts & Jardins/Hauts-de-France a une double vocation : célébrer le travail de (jeunes) artistes internationaux et d’étudiants tout en mettant à l’honneur l’espace naturel et la biodiversité qui les accueille, à savoir les Hortillonnages d’Amiens. Nés à l’Antiquité après avoir été façonnés par plusieurs générations de maraîchers, ces Hortillonnages, constitués de petits îlots cerclés d’eau couleur émeraude, se visitent soit en barque électrique via un réseau de canaux, soit à pieds le temps d’une promenade. Et s’il est possible pour le public de s’y rendre par ses propres moyens toute l’année, la 13ème édition du festival, organisée jusqu’au 16 octobre, est une belle occasion de (re)découvrir ces jardins flottants et les œuvres qui y ont été installées.
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Sur les 46 créations artistiques ou jardinières visibles cette année, 12 sont inédites. Toutes ont cela dit un point commun, comme voulu par les organisateurs depuis les débuts de cette manifestation culturelle, qui a accueilli 450 000 visiteurs depuis 2010 : en ces temps anxiogènes de crise écologique, chaque œuvre doit proposer une réflexion autour de la nécessité de prendre soin de notre planète. Les artistes sont en outre tenus de préserver et d’entretenir les parcelles sur lesquelles leurs créations sont exposées, comme l’explique le directeur du festival Gilbert Fillinger : “Ce qui est important, c’est que les artistes fabriquent eux-mêmes leurs jardins, et qu’ils respectent le site : on ne travaille pas contre lui, mais bien avec lui.”
Des œuvres vivantes
Après un petit tour en barque sur l’étang de Clermont, on croise d’ailleurs sur un îlot le plasticien Vincent Mauger, en pleine installation de son œuvre Laocoon, située sur la zone du Port à fumier. Epaulé par un monsieur issu du chantier d’insertion créé par Arts & Jardins – lequel a pour but de favoriser le retour à l’emploi -, Vincent Mauger est en train d’assembler les différentes pièces de cette sculpture métallique à l’aspect très contemporain, rappelant un origami. Une fois celle-ci terminée, elle sera déposée directement dans l’étang. “Ce qui m’intéresse, c’est qu’à force de se déplacer à la surface de l’eau, Laocoon va devenir vivante. J’aimerais que la végétation s’en empare, comme si elle avait été tirée de la vase. Avec son métal qui va refléter l’environnement qui l’entoure, comme un miroir, elle va se confondre avec l’ambiance du lieu. En somme, il y aura un télescopage entre forme naturelle et forme artistique”, développe le plasticien.
Autre œuvre inédite : L’île aux housses du collectif de plasticiens français H3o. Le principe est simple et ludique : de grandes housses imprimées, représentant des poissons, ont été installées directement dans des arbres – pour les représenter, les artistes ont consulté des albums photos de pêcheurs. Des pêcheurs, il y en a d’ailleurs dans les Hortillonnages : sur un jardin flottant, on aperçoit un monsieur tranquillement installé dans un transat, surveillant avec attention plusieurs cannes à pêche. On se dit qu’il doit être bien, là, au milieu de la nature, avec pour seul fond sonore le vent et le piaillement des oiseaux.
Sensibiliser à l’écologie
Une création artistique présentée par le festival permet d’ailleurs d’entendre de façon décuplée l’environnement : il s’agit de Hortillophones, de la plasticienne française Raphaëlle Duquesnoy. Ces machineries acoustiques faites de céramique, exposées depuis 2019, permettent d’amplifier les particularités du paysage sonore. Il suffit de glisser une oreille dans cet immense objet rappelant une corne de brume pour, tout à coup, entendre davantage encore les sons créés par la faune locale. “L’écoute est un formidable moyen de sensibiliser à l’écologie”, dit le cartel explicatif de l’œuvre. Dans le cas présent, c’est tout à fait vrai. Sensibiliser à l’écologie, c’est ce que parviennent également à faire avec brio les architectes Luca Antognoli et Gabriel Pontoizeau avec leur création Roques, exposée depuis 2020. Ces artistes de l’atelier Faber, soucieux de dénoncer l’artificialisation des terres agricoles en France, ont mis sur pied un pavillon cubique en bois, dont le toit, largement ouvert, permet d’apercevoir le ciel. La superficie au sol de l’espace est de 20m2 – soit la surface de terres agricoles qui, chaque seconde dans l’Hexagone, sont bétonnées. Une fois ces informations en tête (sur place, tout est très bien expliqué), le fait de pénétrer à l’intérieur du cube provoque instantanément, chez le visiteur, une sensation de vertige.
Le tour en barque, qui dure 2h30, réserve bien d’autres surprises. Mais pour les personnes préférant visiter le festival à pieds, un autre parcours est proposé : pour cela, direction l’Île aux fagots, également située au cœur des Hortillonnages. Pour cette année 2022, l’espace propose de nombreuses œuvres inédites. Citons par exemple PAN, du photographe et plasticien Patrice Dion, qui, utilisant le soleil pour faire réagir la chlorophylle de (grandes) feuilles fraîches, imprime sur ces dernières des photographies d’humains. Ou encore Akpaku, belle création du plasticien togolais Kokou Ferdinand Makouvia : cette calebasse fermée hermétiquement et installée dans l’eau, entourée d’une sorte laitue flottante en céramique, contient divers objets récupérés dans les Hortillonnages – l’occasion de “réfléchir à la préservation de cet environnement et à son identité”. Un environnement qui se modifie d’ailleurs au gré des années, au même titre que les créations qui le peuplent. “L’une des particularités du festival est que les œuvres évoluent avec le temps”, dit ainsi Gilbert Fillinger. On pense alors à Nature permanente, de Céline Cléron. La plasticienne a installé, en 2021, de grands bigoudis dans les branches d’un majestueux saule pleureur. Paraît-il que les “cheveux” de l’œuvre ont bien poussé depuis un an – dépêchez-vous d’aller admirer sa crinière.
Festival international de jardins | Hortillonnages Amiens 2022 (Picardie), 13ème édition, jusqu’au 16 octobre, toutes les informations sont à retrouver ici.
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