A travers un univers fantasmagorique et kitch à souhait, l’illustratrice Léa Chassagne nous plonge dans l’énigme intemporelle de l’ »Eternel féminin », qu’elle revisite au gré de collages puissants et ultra-colorés.
Jardins luxuriants dignes du Douanier Rousseau et déserts post-apocalyptiques d’une autre planète peuplés de figures féminines colorées aux postures intrigantes. Voilà, en somme, à quoi ressemble l’univers onirique de Léa Chassagne, qu’elle présente en ce moment à la Slow Galerie à Paris. Autant inspirée par l’iconographie biblique de la Renaissance, l’imagerie rétro des années 1950, que par les grandes figures de la pop contemporaine, c’est dans les représentations historiques de « la femme » que la jeune illustratrice parisienne est allée puiser pour cette première exposition personnelle, intitulée « Eternel Féminin ». Un titre parfaitement trouvé. Car à travers ses collages puissants teintés de surréalisme pop où fourmillent mille et un détails, c’est dans cette notion énigmatique et majeure de l’Histoire de l’art et de la littérature qu’elle nous invite à plonger :
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« De l’Ève originelle à Marie-Madeleine, d’Hélène à Iseut, de la Charlotte de Werther aux Muses de Musset, jusqu’à la Nadja d’André Breton, la femme, enfin devenue libre, n’en reste pas moins énigmatique. Vecteur de trouble et de fascination, cette énigme de l’éternel féminin n’a cessé d’inspirer les nombreux artistes qui l’ont exploré. Désir de transcendance ? Aspiration divine ? Bonheur éternel ? Si le sens de cette locution conserve son mystère, il nous entraîne vers les hauteurs et mêle allègrement représentation idéalisée et stéréotypée de la féminité : présence étrange offerte à l’autre genre, source de trouble et d’espérance ; influx d’ordre mystique-érotique. »
Vallée d’amour © Léa Chassagne
Un renversement libérateur
Il y a alors parfois quelque chose de vengeur dans le travail de Léa Chassagne. Car dans les sources iconographiques qui sont les siennes, des gravures du XVIIe aux catalogues Manufrance, un constat sans appel se dessine évidemment. « La femme », quelles que soient les époques, est presque toujours réduite au rang d’objet, passif et stéréotypé. C’est cette posture infligée, cette représentation misogyne qui a très longtemps accompagné l’énigme de l’éternel féminin, que l’artiste s’amuse alors à tordre et à détourner.
Pourtant, si les femmes rêvées et mystérieuses de la série sont actives, centrales, et parfois toutes-puissantes, elles sont aussi nues et souvent très belles. Des postures inspirantes pour l’artiste, attirantes aussi, et qui, selon elle, n’empêchent en rien un renversement du discours. Car la lascivité dévêtue de certains personnages n’a rien de passif. C’est bien plutôt leur force et leur liberté qui sont représentées.
Baigneuse © Léa Chassagne
Une liberté révélatrice ?
Cela dit,Léa Chassagne n’a pas vraiment choisi l’engagement féministe qui accompagne son travail. Tout semble s’être passé comme si les personnages s’étaient imposés à elle. « Il y a quelque chose de psychanalytique dans cette série », nous dit-elle. Partageant habituellement son temps entre la direction artistique d’une agence de pub et son travail d’illustratrice pour la presse (Le Monde, l’Obs, XXI…) avec des thématiques imposées, elle a cette fois-ci travaillé sans filtre, en totale liberté. Et ce n’est qu’au bout d’un temps, nous confie-t-elle, qu’elle s’est aperçue que tous ses collages étaient peuplés de femmes étranges et nues.
Si le caractère accidentel de son travail peut être considéré comme un garant de sincérité, par sûr néanmoins que l’artiste en saisissent tous les ressorts : « Ce travail parle de moi, à un point que je ne comprends pas toujours d’ailleurs… » nous dit-elle en partant. Quoi qu’il en soit, après une première exposition solo aussi percutante et réussie, on ne peut douter que les prochaines lui permettront d’approfondir ses réflexions.
Jusqu’au 3 juin à la SLOW galerie, 5 Rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris
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