Le Brass Festival de Limoux célèbre en fanfare les cuivres : trompettes, trombones et autres euphoniums. Il a rendu hommage cette année à un monument de la soul music, Fred Wesley, ancien tromboniste de James Brown.
A Limoux, les habitants ont “le cuivre dans le sang”, selon les mots d’un enthousiaste responsable du Brass festival. Il ne s’agit pas d’un empoisonnement insidieux ou d’une nouvelle drogue dure, mais de la passion immémoriale que vouent les Limouxins à la glorieuse famille des cuivres, ces instruments qui du tuba à la trompette gravissent tout le spectre sonore, du plus profond des graves à l’extrême des aigus.
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Pourquoi cet engouement ? Si la tradition des bandas et des fanfares est toujours présente dans le Sud-Ouest, elle est particulièrement forte à Limoux. Cette petite ville située non loin des contreforts des Pyrénées et qui bénéficie déjà des douceurs de la Méditerranée toute proche s’enorgueillit d’accueillir “le carnaval le plus long du monde”, et cela depuis 400 ans.
De janvier à mars, tous les week-ends, qu’il pleuve ou qu’il vente, des personnages masqués, les “Fecos” et “Goudils”, dansent sous les arcades de la place principale et défilent d’un café à l’autre, qui sont fort heureusement nombreux et proches l’un de l’autre, car, c’est bien connu, défiler donne soif. Et, bien sûr, un carnaval sans musique ne serait pas un carnaval, et pour accompagner “Fecos” et “Goudils” dans leur pérégrination bachique, il faut des “bandes” de cuivres et percussions entraînées, motivées et résistantes aux rigueurs du climat et aux douceurs pétillantes de la blanquette, l’autre spécialité de la ville.
Un festival ouvert à tous les styles
L’apprentissage commence jeune, et quasiment tous les habitants pratiquent un instrument. C’est ainsi qu’a germé l’idée d’un festival dédié à l’instrument roi de la ville et qu’est né le Limoux Brass festival qui vient de conclure en beauté sa 9e édition.
L’originalité de ce festival est donc de se consacrer non pas à un genre musical en particulier mais de rendre hommage aux cuivres sans exclusive, de la musique la plus ancienne aux plus actuelles. Un public attentif et éclectique écoutera religieusement un concerto pour trompette joué par un virtuose de la scène internationale, comme l’Italien Marco Pierobon, avant de groover grave au son d’un big band détonant et détonnant comme Initiative H ou le Swing Bones et son quatuor de trombones.
“The world’s funkiest trombone player”
Emblématique de cette ouverture d’esprit, le succès rencontré par le superbe concert de Fred Wesley & the News JB’s Horns. Pour ceux qui l’auraient oublié, les JB’s Horns originels (pour James Brown) composaient la célèbre section de cuivres du Godfather of Soul à l’époque de ses triomphes. Fred Wesley était “the world’s funkiest trombone player” de ce combo de légende avec le sax alto Maceo Parker et le sax ténor Pee Wee Ellis.
Quelques années plus tard, le trio participera à l’aventure délirante du Parliament-Funkadelic de George Clinton. Je vous parle d’un temps que les jeunes de moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, mais ceux-ci devraient être bien conscients que c’est sous les doigts de ces vétérans que se sont inventés les sons et les phrasés qui alimentent aujourd’hui sous un forme génétiquement modifiée – des bits au lieu des beats – les instrus des rappeurs et du hip-hop.
Une démonstration de funk
On a donc eu droit ce soir-là à une implacable démonstration de soul et de funk par ces JB’s Horns nouvelle version. Un rythmique souple et puissante, piano, basse, guitare pour accompagner le leader et les excellents Gary Winters à la trompette et Ernie Fields Jr. au sax ténor. Wesley lui-même est un monsieur d’un âge certain, qui a beaucoup vécu, beaucoup tourné, beaucoup joué et qui n’a plus grand-chose à prouver. Installé sur un tabouret de bar, il laisse souvent la part belle à ses partenaires qui se lancent dans d’impressionnants chorus, mais ses propres interventions vocales ou instrumentales, si elles sont plus concises, sont toujours parfaites de précision et d’inspiration.
Et c’est toujours lui qui “leade” avec précision, d’un geste ou d’une relance et on sent bien que c’est lui le boss, lui qui respire par tous les pores de la peau la chaleur du blues, l’élégance du jazz, l’énergie du rythm’n blues. Les musiciens se répondent du tac au tac, se congratulent discrètement après un beau solo. On sent entre eux un profonde complicité qui rejaillit dans le groove impeccable du concert, et à mesure que la chaleur et les tempi augmentent, c’est toute l’histoire de la great black music qui s’incarne sous les yeux du public ravi qui termine le concert en dansant devant la scène. Longue vie à Fred Wesley, au funk et aux cuivres.
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