Les défilés masculins qui se sont tenus à Paris jusqu’au 26 juin ont été l’occasion pour les marques de repenser leurs codes et de proposer un vestiaire masculin tourné vers les intemporels de l’été.
Histoire, logo, pièces cultes : autant d’éléments qui permettent à une marque de mode d’être reconnaissable à travers le temps et de résister à l’éphémère. Des maisons de savoir-faire à l’histoire longue et riche comme Hermès aux nouveaux venus comme le label d’upcycling Marine Serre, les créateurs proposent des collections basées sur leurs propres codes, construits au fil des années dans des versions fonctionnelles en s’appuyant sur la grammaire outwear. L’été 2023 est marqué par un retour à la simplicité qui se fait dans des tissus légers et des tailorings slims dégradés dans des couleurs estivales, comme pour renouer avec l’idée de saison à l’heure où celles-ci semblent avoir perdu tout sens.
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Jardin et couture pour Dior par Kim Jones
Dans le cadre du 75e anniversaire de la Maison Dior, Kim Jones continue sa relecture du vestiaire de l’iconique maison fondée en 1946. Pour le défilé qui s’est déroulé au Val-de-Grâce à Paris, une réplique de la villa aux murs rosés de Christian Dior à Granville ornait le podium. La scénographie a plongé les mannequins dans un jardin hybride entre la campagne normande et le Sussex de l’artiste Duncan Grant, dont les tableaux ont bercé les souvenirs d’enfance de Kim Jones.
“Dans cette collection, nous mélangeons des éléments fonctionnels, naturels – dédiés au jardinage, notamment – aux facettes du new look stylisées, luxueuses, et aux œuvres d’art de Duncan Grant”, explique ce dernier dans le communiqué de presse. Triangulation entre art, couture et outwear, la collection permet de revisiter les éléments emblématiques de l’histoire de la maison, comme le Saddle imaginé par John Galliano en 1999 et repensé en accessoire multifonction avec la marque d’outdoor Mystery Ranch ou la veste bar masculine gris perle évoquant la collection femme de 1947. En articulant scénographie spectaculaire et collection adaptée à la vie contemporaine, Kim Jones fait vivre les archives Dior.
Contre-culture et Californie chez Isabel Marant
Pull tye and dye, bermuda délavé et total look jean : la silhouette masculine d’Isabel Marant rend hommage à la contre-culture grunge et aux scènes raves des années 1990. Présentée à travers une vidéo mettant en scène des groupes de jeunes autour posant près d’une moto en plein soleil, la collection intitulée “A Bond of Brotherhood” offre une relecture des obsessions traversant le travail d’Isabel Marant : la youth culture bercée par le soleil californien.
Lancée il y a trois ans, la ligne homme articule pièces basiques, comme des pantalons cargo et des chinos, et éléments workwear ultrafonctionnels. Chaque saison, ce sont des nouvelles bribes contre-culturelles qui se conjuguent à des essentiels, permettant à la créatrice de composer un vestiaire sur le long terme.
Tailoring déconstruit chez Paul Smith
Costume trois pièces ultralégers, bermuda et pull aux rayures hétéroclites : la silhouette Paul Smith alterne entre vêtement de ville et de villégiature. Présentée dans un ancien centre de tri postal du 12e arrondissement dans un décor opalin minimaliste, la collection décline le répertoire bien connu du label fondé en 1970. Basiques aux accents preppy se colorent de teintes pastels – bleu ciel, mauve et jaune pâle –, et le costume trois pièces traditionnel ici détourné est pensé dans des tissus légers. Ce vêtement, longtemps seule option du vestiaire masculin, s’articule à des shorts et les plastrons sont transformés en néo-débardeurs. Fidèle à son histoire, le créateur britannique affirme qu’il est temps de créer des vêtements “portables” et d’intégrer le costume au vocabulaire actuel.
L’été nonchalant selon Hermès
Couleur sorbet, teintes passant du lilas à l’acidulé : les lueurs de l’été traversent également la collection Hermès imaginée par Véronique Nichanian, directrice de l’univers masculin depuis trente-quatre ans. Présentée dans l’enclos de la manufacture des Gobelins, la scénographie se composait d’une piste vert citron, ondulant le long de la cour pavée. Le paysage trouve écho dans plusieurs pièces de la collection — à l’instar des grands Birkin masculins spécialement réalisés. Les vêtements fonctionnels tels que les coupe-vent et les parkas à capuche aux couleurs bonbon croisent des blousons lilas portés avec des bermudas et des sandales techniques — soit un vestiaire à rebours des codes citadins usuels. Forte de ses savoir-faire et d’un soin du détail, la maison Hermès semble elle aussi se tourner vers la légèreté à travers des combinaisons audacieuses de basiques.
Upcyling du vestiaire masculin pour Marine Serre
Pas besoin d’ancienneté pour faire date : en s’érigeant en figure de l’upcycling dans la mode il y a maintenant six ans, Marine Serre introduisait une rupture initiatrice d’un nouveau style. Avec ses robes composées de foulards hétéroclites et ses justaucorps aux imprimés croissant de lune, la créatrice impose des codes mais aussi un sens nouveau de la mode avec des défilés applaudis pour leur inclusivité.
Pour le printemps 2023, la collection intitulée “State of Soul” marque une sortie du récit post-apocalyptique qui a marqué les débuts de la créatrice et propose une première présentation masculine en plein air, sous la forme d’une grande parade olympique festive. Des taies d’oreiller brodées sont transformées en chemises et les robes sont construites à partir de ceintures en denim. Les combinaisons moulantes imprimées de demi-lune sont également présentes, surmontées de bijoux upcyclés – comme celle portée par Lourdes Léon, la fille de Madonna.
“On a 30 % de ventes d’homme en plus dans les dernières collections. On n’est pas à 50/50, mais on fait pas mal d’hommes chez qui l’up-cycling est encore rare” expliqué la créatrice de 30 ans qui compte bien décliner ce modèle de fabrication durable pour le vestiaire masculin.
Paris-Tokyo : le vestiaire de Nigo pour Kenzo
En 1970, Kenzo Takashi fait partie des premiers créateurs japonais à s’imposer sur la scène de la mode parisienne, ouvrant la voie à l’anti-fashion des années 1980. Pour sa deuxième collection dans la maison, le directeur artistique Nigo, connu pour ses pièces streetwear avec Bape, évoque sa propre découverte de Kenzo dans les années 1980, alors qu’il était adolescent. “Je suis né l’année où Takada Kenzo a ouvert sa première boutique à Paris. Nous sommes tous les deux diplômés de la même école de mode à Tokyo”, avait-il expliqué à l’annonce de sa nomination.
Ici, il offre son propre fantasme de Kenzo à Paris et de la mode des années 1980, hybridé aux codes de l’université américaine et à la street culture tokyoïte. Les coquelicots, emblématiques de la maison, se transforment en chapeaux et motifs de chemises, accordés à des uniformes d’écoliers ou de marins rappelant ceux détournés par les sous-cultures lolita japonaises. Des basiques hétéroclites se rencontrent, composant une garde-robe pensée pour être “facile à porter”, comme l’écrit Nigo.
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