Le retour du Bureau des légendes, la série d’espionnage de Canal+, l’une des plus belles jamais vues à la télé française.
Dans la deuxième saison déjà très aboutie du Bureau des légendes, le héros nommé Malotru (Mathieu Kassovitz) se jetait dans la gueule du loup par amour pour une femme. Son obstination d’agent secret sentimental l’amenait à se rapprocher de membres de l’Etat islamique (EI) en Syrie, où il tentait de faire aboutir la “neutralisation” d’un jihadiste français autour de Raqqa, au prix d’une dangereuse et flippante manipulation.
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Cette plongée rarissime d’une série hexagonale au cœur du mal contemporain ne pouvait rester aux portes de l’enfer. Elle se poursuit avec une ampleur assez remarquable et met les deux pieds dedans avec sa nouvelle saison. La série showrunnée avec autorité par Eric Rochant tient depuis ses débuts le rythme d’une nouvelle fournée d’épisodes par an.
Une finesse psychologique surprenante
Au fil des six premiers épisodes (sur dix) que nous avons pu voir, un sens de la responsabilité se dégage. La responsabilité d’une représentation. Après un cliffhanger qui laissait planer le doute sur son destin, Malotru se retrouve bel et bien otage de l’EI, une épreuve qui structure le récit avec force. Sans se contenter d’effleurer le sujet, Le Bureau des légendes aborde cette expérience à la fois exceptionnelle (car très peu filmée) et familière (les mises en scène macabres des jihadistes font partie des images contemporaines) de plusieurs manières.
Avec la dureté nécessaire, d’abord, puisque la souffrance physique du héros n’est pas épargnée. Avec une finesse psychologique surprenante, ensuite, quand les stratégies de survie de cet homme réduit à rien, un souffle, un cerveau, à peine un cœur, s’opposent au désir de ses ravisseurs. Avec un humour tout sauf déplacé, enfin, quand une séance vidéo tourne au happening quasi burlesque, dans la lignée de The Party de Blake Edwards – en moins rigolard tout de même.
Une forme de calme absolu
Au-delà de cette exploration nouvelle, Le Bureau… troisième volée s’appuie toujours sur ses bases : un casting puissant – en plus du minéral Kassovitz, Pauline Etienne, Jean-Pierre Darroussin, Jonathan Zaccaï et l’excellente Sara Giraudeau, même si cette dernière est un peu balancée à droite et à gauche en début de saison – et une forme de calme absolu dans la manière de montrer un système, celui de l’espionnage en France, dans sa réalité la moins glamour et même souvent la plus froide.
La géopolitique, ici, est une affaire de fronts soucieux, de corps marqués par le doute, de silence. Le sentiment de dénuement que chacun peut ressentir devant la violence du monde s’incarne à travers ceux qui tentent de la maintenir invisible, à coup de nuits blanches et de surveillances blafardes.
Si les héros du Bureau… sont fatigués, ils le sont d’abord pour nous : cette puissance romanesque chuchotée fait le prix de la série, l’une des plus belles jamais vues à la télé française.
Le Bureau des légendes saison 3 à partir du 22 mai, 20 h 50, Canal+
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