C’est juré, on ne se moquera plus jamais de la musique de garçons coiffeurs.
Dans la version en quatre DVD du film de Taylor Hackford, Hail! Hail! Rock’n’Roll, Chuck Berry confie en effet à Robbie Robertson (le songwriter du Band) n’avoir fréquenté en guise d’université qu’un institut d’art capillaire – la poésie et la comptabilité, c’est en taule qu’il les étudia. De cette curieuse éducation, les odes aux galbes montés sur pneus ou talons aiguilles qu’il composa entre 1955 et 1959 portent témoignage. Car si l’ex-pro du shampoing a toujours su compter (ses dollars) autant que conter (fleurette), c’est à ses intros taillées au rasoir, à ses refrains indéfrisables et à ses rimes accroche-cœurs que le rock’n’roll doit ses plus émoustillants classiques.
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Pour chapeauter le concert organisé en l’honneur du soixantième anniversaire de Berry en 1987, Hackford a recruté son fan numéro un. John Lennon étant retenu outre-nuages, ce fut Keith Richards. Mais si les grands témoins interviewés par Hackford (Little Richard, Sam Phillips et un Jerry Lee Lewis aussi allumé qu’une mèche de bâton de dynamite) tchatchent avec ardeur, le guitariste des Stones tire durant les répètes une tronche encore plus cadavérique que la tête de mort qu’il porte en guise de bague.
Car Chuck met un point d’honneur à faire tourner en bourrique quiconque attend de lui qu’il respecte une tablature, un horaire ou un contrat. En sus de purs moments de rock’n’roll, le film offre ainsi un palpitant portrait d’une tête de lard qui joue avec les nerfs des producteurs comme un caïd de Las Vegas avec les machines à sous et, dans la vie comme dans ses chansons, s’entoure de créatures ayant aussi peu froid aux yeux qu’aux fesses : après avoir déclenché un début d’émeute dans le pénitencier où Chuck passa ses tendres années, sa fiancée microjupée confiera à l’équipe de tournage ne jamais s’être “sentie autant désirée par autant de mâles”.
C’est à ce même désir que les couplets aphrodisiaques de Berry doivent d’endiabler l’œil et la voix des stars – Linda Ronstadt, Etta James et Eric Clapton – venues dans un théâtre de Saint Louis donner la réplique à la grosse guitare rouge de ce génial Gibson of a bitch.
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