Le cinéma, c’est aussi un mode de lecture, d’intellection, de représentation du monde qui excède la simple forme du film, et plus encore sa consommation dans une salle.
“Si le score en faveur de Macron avait été de 52 % contre 48 %, qui aurait eu le cœur de se déplacer, tout de suite après, pour un festival ?” C’est Arnaud Desplechin qui exprime là la question qui a cerné d’ombre la préparation, la tête un peu ailleurs, du 70e Festival de Cannes. Dans une France présidée par qui, Pedro Almodóvar présiderait-il la plus grande manifestation cinéphilique du monde ?
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La pire des perspectives a été déjouée. Et si la recomposition du paysage, après la catastrophe redoutée, promet des lendemains instables, on attend de ce Festival fragile, enserré entre deux élections, qu’il suscite aussi, par les films exposés, des réponses fortes aux interrogations anxieuses posées par l’état du monde.
Chronologie des médias et du statut des “contenus” Netflix
Très rapidement, le tout frais gouvernement aura d’ailleurs le loisir de plancher sur un problème politique ayant éclaté en prémices du Festival : celui de la chronologie des médias et du statut des “contenus” Netflix présentés à Cannes. La sélection en compétition d’Okja de Bong Joon-ho et de The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach a déclenché une telle colère des syndicats d’exploitants de salles (FNCF) qu’une rumeur de retrait commençait à circuler.
La solution trouvée par le Festival tient du compromis diplomatique habile : les deux films restent en compétition (le contraire aurait été assez cruel), mais de nouvelles dispositions en vigueur l’année prochaine interdiront l’accès à la compétition aux films non accompagnés de distributeurs. Une mesure, soutenue par le CNC, qui a le mérite de protéger l’écosystème français auquel peinent à se soumettre les grands fournisseurs d’accès. Et on espère aussi que le prochain gouvernement ne lâchera pas le dossier de l’obligation d’investissement de ces géants dans le cinéma francais.
Formes contemporaines du cinéma
Il y a néanmoins une phrase qui prête à contestation dans le discours des représentants syndicaux : “Pour qu’un long métrage soit considéré comme une œuvre de cinéma, il faut qu’il sorte en salle.” La formule est imparable, mais seulement d’un point de vue juridique. Et ne saurait suffire à nourrir la réflexion sur les formes contemporaines du cinéma qu’un festival comme Cannes se doit d’approfondir.
Le cinéma, c’est aussi un mode de lecture, d’intellection, de représentation du monde qui excède la simple forme du film, et plus encore sa consommation dans une salle (inversement, on pourrait tout aussi bien dire que beaucoup de films vus avec peine tout au long de l’année ne relèvent du cinéma que parce qu’on leur accorde un visa d’exploitation).
Labilité du cinéma
Cette labilité du cinéma, l’édition 2017 paraît tout à fait parée pour l’accompagner. Outre la présence des deux créations susmentionnées, le feu devrait venir cette année des deux premiers épisodes de Twin Peaks. Certains les téléchargeront, d’autres les verront sur Canal+, mais leur présentation en séance spéciale permet au Festival de s’inscrire dans le timing de cet événement majeur. Fire walks with Cannes.
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