France 2 diffuse le 30 juin prochain un documentaire inédit intitulé “Un Président, l’Europe et la Guerre”. Le journaliste Guy Lagache filme la réalité des échanges diplomatiques d’Emmanuel Macron avec les présidents russe et ukrainien en temps de guerre, ainsi que ses conversations avec ses homologues européens. Un documentaire historique.
“Je ne sais pas où tes juristes ont appris le droit. On se fout des propositions des séparatistes. Ce que tu viens de dire met en doute ta légitime volonté”. Le 20 février, Emmanuel Macron, président du Conseil de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2022, est en ligne avec le président russe Vladimir Poutine qui a amassé des troupes à la frontière ukrainienne.
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Ce dernier lui répond avec cette incroyable formule: “Je te parle depuis la salle de sport avant d’entamer mes exercices physiques”. Cet échange ubuesque, en direct, pourrait faire sourire si l’on n’était pas à quatre jours du début de la guerre. C’est l’une des séquences inouïes d’Un Président, l’Europe et la guerre que diffusera France 2 le 30 juin, à 21h10, alors que prend fin la présidence française du Conseil de l’Union.
Le journaliste Guy Lagache avait réussi à convaincre l’Elysée de suivre le président de la République, au plus près, durant toute la durée de la Présidence de l’Union (PFUE) avec cette volonté de rendre plus accessible une Europe politique jugée trop souvent technocratique. Mais aussi d’apporter un éclairage pédagogique à des sujets ardus comme la politique migratoire ou la réforme de Schengen. La guerre en Ukraine va venir bousculer son angle et la nature même de son format.
Au cœur des rouages du pouvoir
D’un documentaire pédagogique sur l’Europe, le journaliste va voir son objet évoluer vers un témoignage d’histoire diplomatique inédit. Son objectif : être au plus près pour montrer de l’intérieur l’exercice du pouvoir. Construit chronologiquement sous forme de compte à rebours, sans surenchérir d’effets mais en ménageant un suspense digne des meilleures séries, le doc est filmé sans équipe, de façon à gagner en agilité. Guy Lagache capte les échanges du président Macron avec le président russe et le président ukrainien, ainsi que ses conversations avec ses homologues européens en s’invitant discrètement au coeur de la mécanique. Nous avec lui. On assiste à la montée des tensions, au durcissement du ton des protagonistes, jusqu’à l’explosion de la guerre.
Le film commence avant le début de la guerre. Le 2 février, alors que la Russie déploie ses troupes à la frontière de l’Ukraine, Emmanuel Macron veut encore croire que le pire n’est pas fatalité. Dans son bureau à l’Élysée, il explique avec calme sa position: “On essaie de faire désescalader tout ça”. Tout faire pour éviter la guerre devient pour lui une obsession. Il livre face caméra son décryptage de la situation : à la suite de la chute du mur de Berlin, l’OTAN ne s’est pas suffisamment donnée les moyens d’une sécurité collective. “On n’a pas pensé jusqu’au bout la Guerre froide”, confie-t-il. Dans un échange avec le président ukrainien Zelensky, que filme Guy Lagache, il veut croire qu’un chemin reste ouvert, que tout n’est pas perdu. Une position qui lui vaut des critiques dans la presse française ces dernières semaines.
La diplomatie à l’épreuve
On se souvient de cette première rencontre à huis clos, le 7 février, avec le président Poutine, deux semaines avant le début de l’attaque. Les deux hommes assis face à face, aux deux extrémités de cette table gigantesque. On suit ici en images les coulisses en direct, depuis le salon attenant, avec la cellule diplomatique, aux côtés du conseiller diplomatique du président, Emmanuel Bonne.
On voit la diplomatie se faire. Si la guerre éclipse l’essentiel, le déplacement est aussi l’occasion de la signature d’un important contrat Alstom, qui semblait plombé au début de la rencontre. On comprend que, parfois, dans les tractations, un petit bout de papier transmis par la conseillère chargée de l’Union, Isabelle Dumont, au président, encore en plein échange, peut sauver in extremis un contrat à la portée politique majeure sur le renouvellement de tout le matériel ferroviaire ukrainien. Le protocole d’accord est finalement signé.
“À chaque fois qu’on négocie, il devient plus agressif.”
Au fil des appels avec ses homologues européens, Emmanuel Macron teste la solidité interne de l’Europe. On perçoit l’intransigeance anglo-saxonne en assistant à une conversation téléphonique avec Boris Johnson: “Il ne va pas s’arrêter là, insiste le Premier Ministre britannique. À chaque fois qu’on négocie, il devient plus agressif”. Et le Français de rappeler sa stratégie de désescalade: “Nous ne voulons pas intervenir. Mais il faut anticiper, oui.”
La tension monte d’un cran lors de la première visite à Kiev, 16 jours avant le début du conflit, alors qu’Emmanuel Macron est accueilli par l’ambassadeur de France à Kiev, Etienne de Poncins. La nervosité des services de la garde rapprochée de Zelensky transparait dans les mouvements caméra. Le 24 février, c’est la guerre. On revoit les spots télé de ce qui est perçu comme l’attaque la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. Emmanuel Bonne réagit à chaud : « Je pense aux gens sur place. On a proposé à Zelensky de se réfugier à l’ambassade. Ce n’est pas un jeu de rôles. »
“Une guerre totale”
Le travail documentaire est évidemment suspendu au déroulé de la guerre, dans la plus grande incertitude sur le plan d’après. Le journaliste réalisateur doit chaque jour renégocier. On s’en doute assez durement lorsqu’il suit le Conseil de défense depuis le Bunker de l’Élysée. Dans ce climat que le président de la République qualifie de “guerre totale”, la caméra suit les membres de ce conseil de Défense qui descendent sous le Palais pour assister à la réunion, sous les auspices du Général de Gaulle, dont le portrait est accroché au dessus des marches.
Alors qu’à Bruxelles, les sanctions économiques tombent contre la Russie — que liste Ursula Van der Leyen devant le Conseil européen extraordinaire des 27 — on suit le durcissement du conflit au fil des appels téléphoniques du chef de l’État avec le Président Zelensky. Lors du pré-visonnage du documentaire par la presse, le 16 juin, Guy Lagache n’était pas présent. Il se trouve à bord du train de nuit conduisant Emmanuel Macron, l’Allemand Olaf Scholz et Mario Draghi vers l’Ukraine pour rencontrer le Président Zelensky. “Il y a une atmosphère particulière, électrique à bord de ce train, rapporte Guy Lagache. C’est une sorte de bivouac avec toutes les personnes que j’ai suivies durant le film. J’ai tourné six mois, dont quatre mois, sept jours sur sept. La presse est présente et il n’est pas commun que trois chefs d’État se déplacent ainsi dans un pays en guerre. Ce moment diplomatique important se double d’une charge émotionnelle intense. C’est particulièrement sensible lorsqu’Isabelle Dumont revient dans les locaux de l’Ambassade de France où elle a exercé pendant quatre ans et y retrouve d’anciens collaborateurs et le cuisiner de l’Ambassade qu’elle croyait mort après la destruction de sa maison par un missile.”
Sur le trajet du retour, Guy Lagache, qui n’a pas renoncé à sa volonté d’apporter des réponses, s’entretient avec le chef de l’État. “Je voulais savoir comment il avait vécu cette crise et pourquoi il avait maintenu le dialogue avec Poutine. Je lui demande comment et pourquoi on continue à discuter avec un responsable accusé de crimes de guerre. Je veux comprendre pourquoi il souhaite maintenir ce lien alors que son interlocuteur ment. Il m’expose alors sa logique : dans cette tension permanente de bousculer les choses, il explique ne pas vouloir rompre pour l’après. Or, l’après se construit maintenant.” Une position du chef de la présidence française du Conseil de l’Union derrière laquelle on lit la volonté du président de la République française de jouer un rôle géopolitique important dans cet après.
Un président, l’Europe et la guerre de Guy Lagache, diffusé jeudi 30 juin à 21h10 sur France 2
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