La jeune metteuse en scène flamande présente le portrait décapant de Margot la Folle, modèle de Bruegel l’Ancien fortement décrié en son temps.
Impressionnante Lisaboa Houbrechts ! Âgée de 29 ans, cette jeune metteuse en scène nous avait déjà impressionné·es en 2019 avec sa vision de Hamlet, interprétée par Grace Ellen Barkey et ses enfants, Romy Louise et Victor Lauwers. Si ses premiers spectacles ont été réalisés dans le cadre du collectif d’artistes Kuiperskaai, qu’elle a fondé en 2012 avec Victor Lauwers, Romy Louise Lauwers et Oscar van der Put, Bruegel est le premier qu’elle signe sous son propre nom.
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Une épopée vertigineuse dans l’univers et l’époque du peintre Pieter Bruegel l’Ancien, à travers le personnage le plus fameux de l’artiste : Margot la Folle, androgyne et vilipendée comme “hommasse“ et injuriée pour avoir volé des objets pour le compte de l’Enfer. Une sorcière qui revendique de n’être ni homme ni femme, campée avec panache par Anne-Laure Vandeputte qui arrive sur le plateau en traversant toute la salle, enjambant les spectateurs.
Une lecture critique assumée de l’Histoire
À l’ouverture du rideau, la musique et les chants, interprétés par Mostafa Taleb et l’ensemble polyphonique Harmonia Sacra, font écho à l’interminable liste des dizaines de conflits et de guerres que le monde a connus, depuis l’opération Black Belt en 2019 jusqu’à la guerre de Smalkalde en 1546. Une litanie de dates allant decrescendo et de lieux qui parcourent le monde entier, résument le cercle vicieux d’une Histoire régentée par la violence, celle faite aux femmes n’étant pas la moindre.
La peinture de Bruegel apparaît par fragments sur des panneaux, sous forme de croquis ou d’esquisses, et campe le décor où s’agitent et se pavanent des figures hautes en couleur : Mayken Verhulst, la belle-mère de Bruegel, le peintre Pieter Coecke van Aelst, Athena, Marie, intrinsèquement orientale, le cardinal de Granvelle, Marguerite de Parme ou encore Queen Elizabeth… On pourrait parler d’une lecture critique de l’Histoire, et Bruegel l’est assurément, mais assumée en même temps qu’un élan ravageur pour la fantaisie, le travestissement et le métissage des formes, remarquablement concrétisé par les madrigaux du Moyen Âge.
Le secret de Bruegel, dont la peinture hante encore et toujours nos imaginaires, nous est livré en fin de parcours : “Ce qui est vrai ne se trouve pas dans la réalité, c’est dans ce qui s’explique simplement qu’on touche au plus profond de la vérité. C’est pourquoi je la fais un peu plus plate et abstraite.” Sans doute le fil rouge déroulé par Lisaboa Houbrechts et ses interprètes pour tisser le motif d’une fresque irradiante à l’énergie contagieuse.
Bruegel, texte et mise en scène Lisaboa Houbrechts, musique Mostafa Taleb et le groupe Harmonia Sacra. Du 23 au 25 juin à La Villette (Paris).
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