Montgomery transformait la semaine dernière l’Antipode rennais en décorum à la Méliès pour le concert de lancement de son deuxième album Stromboli. Récit d’un spectacle fantastique et, en prime, le clip de Sommeil.
On a cru s’être trompé d’adresse. On devait aller voir Montgomery à l’Antipode, salle rennaise dont la programmation de plus en plus fine fait à nouveau rugir une ville qui n’en finit plus de se réveiller musicalement. Mais on ne reconnaît pas l’endroit, plein à craquer pour fêter ses héros. On ne reconnaît pas l’Antipode : on n’est pas au bout du monde mais sur la lune. Pas celle, désertique, grise et poussiéreuse de Buzz Aldrin mais celle, truqueuse, merveilleuse et rêveuse de Méliès.
Montgomery, pour la soirée de lancement de son deuxième album, Stromboli, a fait fort. Et, dans une sorte d’admirable quitte ou double, Montgomery a tout donné : avec ses petits bras et son grand esprit, le groupe s’est consacré des semaines durant à la conception de ce spectacle ébouriffant, y a mis ses moyens (du bord) et sa sueur, ses idées (de toute façon inépuisables) et sa patience. Ils se sont payés l’Antipode, leur quartier général, et n’ont pas fait les choses à moitié. En cousins français des Flaming Lips, des gamins lâchés, une nuit sans gardiens, dans un magasin de jouet géant.
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Du bar au stand de merchandising, en passant évidemment par la salle à proprement parler, tout est à leur image, à leurs images -Montgomery n’est pas un groupe, c’est un univers, tordu et onirique, Montgomery n’offre pas que des chansons fantastiques, il dessine également des visions étranges, sombres ou colorées. Et pour aider les amateurs à pénétrer ce monde si particulier, à le saisir, à comprendre de quelles poussières d’étoiles il est fait, l’Antipode est transformé en décorum géant, animé par une armée de projecteurs plantés dans la salle, un peu partout, dans tous les sens, de tous formats. Des images, partout, et tout le temps. Plus qu’un concert, l’impression doucereuse, entre ouate et chardon, d’un rêve décousu et tangible.
Sur scène, pour l’ouverture Baleine –le groupe jouera l’intégralité de Stromboli– des vagues de bois peint, agités par les trois copains du groupe réquisitionnés pour mettre de l’huile de coude dans la machinerie fantastique, forment une houle lente qui aide le beau morceau à glisser encore un peu mieux sur ses eaux brillantes. Sur Volcan, ce sont des boules de feu, éclats de lave fantasmatiques, qui surgissent du néant quand le morceau va faire gouzi-gouzi avec Haroun Tazieff sur des hauteurs éruptives et épiques. Plus tard, une pluie de confettis chute sur les garçons, ailleurs, des roues de vélo tournent.
Et ainsi de suite : pas un instant sans une invention, un bricolage, une idée. Le groupe enchaîne ses morceaux et son monde se révèle aux oreilles autant qu’il imprime les rétines –il manque encore parfois un poil de précision, un peu de définition, mais les morceaux complexes et rutilants de Stromboli, ses tubes parfaits ou ses rugissements électriques continuent de filer une sacrée chair de poule. Du Ciel à Six bonnes raisons, de Megaceros à Athlete, du Chat au Pollen, entre un voyage vers des terres pop inconnues et une balade en combinaison de ski sur Mars, une plongée à vingt-mille lieues sous la surface du soleil et du surf sur la ouate moite des songes tordus, on s’extasie en permanence.
En rappel, pas chien, le groupe invite quelques uns de ses copains du coin : un beatbox humain génial, Tez, donne aux morceaux des Rennais des accents urbains encore insoupçonnés, Laetitia Shériff vient se faire construire un magnifique écrin pour une chanson à mille mains, Olivier Mellano et quelques autres bons camarades locaux à six cordes viennent pour un final sonique magnifique à décoller les acouphènes. Le concert, la fête se termine. On sort, et on se réveille. Les rêves terminés, il faut désormais atterrir.
Photo : Nicolas David
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