Eric Vuillard poursuit dans sa veine historique avec un roman sur le financement du nazisme. Pile dans notre époque populiste.
Le 20 février 1933, vingt-quatre industriels allemands se réunirent au Reichstag pour conclure avec Hitler un pacte de financement. “Vingt-quatre machines à calculer aux portes de l’Enfer”, écrit Eric Vuillard qui, après 14 Juillet, s’obsède avec brio sur cette journée particulière où le capitalisme allemand passa à la caisse. Bientôt, les commandes d’Etat afflueront et les camps de concentration fourniront une main-d’œuvre gratuite.
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Le 12 mars 1938, cette journée de la honte sera prolongée par le grand soir du renoncement : l’annexion de l’Autriche devant laquelle se vautra la fine fleur des démocrates occidentaux. Vuillard ne mâche pas ses mots quand il s’agit de les cracher au visage des irresponsables pour la plupart “cons comme des buses”. D’autant, il le rappelle avec un humour plus que noir, que cette invasion, qualifiée de “fulgurante” par la propagande nazie, tomba en panne aux portes de Vienne, faute d’essence.
Ce livre de la déconfiture politique et morale est un aide-mémoire pour aujourd’hui. Comme un lamento, Vuillard égrène les noms des potentats qui financèrent le nazisme : Krupp, Opel, Siemens, Telefunken, Agfa, IG Farben. “Ils sont nos voitures, nos machines à laver, nos produits d’entretien, nos radios-réveils, l’assurance de notre maison, la pile de notre montre. Ils sont partout sous forme de choses. Notre quotidien est le leur.”
L’Ordre du jour d’Eric Vuillard (Actes Sud), 160 p., 16 €
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