Dans une biographie bien pensée, Clément Ghys raconte Vadim au-delà de la légende et interroge le goût des icônes et la soif de nostalgie de notre époque. Habile.
La postérité est une chose cruelle qui caricature les uns quand elle n’oublie pas les autres. Prenons Roger Vadim par exemple. Que reste-t-il dans l’imaginaire collectif de ce prince d’après-guerre qui “a permis à la Nouvelle Vague d’embrayer son moteur” ? Une collection de conquêtes aux noms iconiques. Soit. Une Ferrari 250 California. OK.
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Et puis deux films à l’érotisme suranné et aux charmes kitch. Et Dieu… créa la femme pour Bardot qui danse pieds nus. Barbarella pour l’orgasmotron et Jane Fonda en Paco Rabanne. Vadim en play-boy nunuche et provocateur de salon de la France gaullienne, c’est l’artiste victime du syndrome Sagan, le même qui réduit l’auteur de La Chamade à sa “petite musique”, aux bolides conduits pieds nus et à la coke. Bonjour tristesse.
https://youtu.be/YcN8obiJeMQ
En 1957 Vadim est le totem flamboyant d’une époque
Les clichés, Clément Ghys les connaît. Il a 32 ans et il est journaliste culture. Alors, pour dénicher la vérité de Vadim, il s’est plongé dans les archives jusqu’à s’y perdre. Dans ce premier texte, le jeune homme ne cache rien des doutes et des errances de son enquête. Il tâtonne, trébuche, dérape sur le clinquant du vernis. Finalement, c’est Godard qui rallume la lumière : “Ainsi, inutile de féliciter Vadim d’être en avance, car il se trouve seulement que, si tous les autres sont en retard, lui, en revanche, est à l’heure juste”, écrit “le redoutable”, en juillet 1957.
Tout est plus clair : si en 1957 Vadim est le totem flamboyant d’une époque, l’artisan de la libération des mœurs, des corps et du cinéma, très vite, son horloge retarde, et bientôt, il rate le train en marche. 1968 : les films s’intellectualisent et le gotha se politise. Vadim, lui, “vadimise” en déclinant le scandale au rabais.
Vadim vire has been et tourne des pubs Slim Fast
Cinéaste dépassé, éclipsé par les actrices qu’il a lancées, il vire has been et tourne des pubs Slim Fast, mais sans jamais se défaire de sa riante désinvolture. Ce n’est pas une coquetterie : chez Vadim, l’insouciance est une philosophie de vie. Dans la gloire comme dans le déclin.
Au-delà du portait d’une icône, ce que Ghys déploie ici, c’est aussi une réflexion sur notre époque, son goût de la nostalgie et son besoin de fouiller le passé pour se trouver des modèles, des postures. Et dans les temps troubles que l’on traverse, celle que propose Roger Vadim se révèle particulièrement séduisante : restons léger.
Vadim, le plaisir sans remords de Clément Ghys (Stock), 272 p., 19 €
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