Reporter vedette, Mazher Mahmood accumule les scoops fracassants, à coups de caméras cachées et de fausses identités. Sans faire grand cas de la déontologie.
Son dernier coup ? Un coup tordu. Un de plus. Le mois dernier, il décroche un rendez-vous avec Sarah Ferguson, la duchesse d’York. Se présentant comme un riche homme d’affaires, il lui fait part de son envie de pénétrer les hautes sphères de la noblesse anglaise. Et lui dit être prêt à payer pour cela.
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Un peu pompette, un peu à court de liquidités aussi, elle tombe dans le panneau. Elle lui offre une rencontre avec son ancien mari, le prince Andrew, moyennant 500 000 livres. Et repart même avec l’avance de 40 000 livres qu’il lui tend… Quelques jours plus tard, Sarah Ferguson est en couverture du News of the World (photo), raillée, humiliée pour sa cupidité. C’est l’énième victime de Mazher Mahmood.
A force de révélations fumeuses, Mazher Mahmood est devenu la star du News of the World, le journal dominical le plus vendu en Angleterre (3 millions d’exemplaires chaque semaine). Sa technique ? Il ne révèle jamais son identité, s’infiltre, joue un rôle et, équipé de caméras et micros cachés, confond ses interlocuteurs. Déguisé en cheik, sa couverture favorite, celle qui lui a valu le surnom de “Fake Sheik” (“le faux cheik”), il a ainsi soutiré au fil des ans des déclarations particulièrement embarrassantes à des têtes couronnées, des politiques et des stars du football (“Les femmes de Newcastle sont toutes des thons !” lui confia un jour, benoîtement, le président du club de Newcastle). Il a aussi révélé leurs infidélités et dérives en tout genre.
Il y a dix ans, l’un de ses premiers gros coups consista à acheter de la cocaïne et du cannabis à la star de sitcoms John Alford. Qui finit en taule… Car Mazher Mahmood travaille toujours en étroite collaboration avec la police. Il a ses sources et dès qu’il est en possession d’éléments relevant de la justice, il transmet, scrupuleusement.
En parallèle de son travail sur les stars, il affirme ainsi avoir confondu plus de 250 criminels, tous conduits devant le juge. A son palmarès, des trafiquants de drogues, d’armes, des businessmen véreux, des passeurs d’immigrés clandestins…
Pourtant, si les pratiques de Mazher Mahmood lui valent quelques ennemis (un ancien rédac chef du Daily Mail et un député de gauche sont notamment à ses trousses), elles ne sont pas condamnées par la profession. Car elles s’inscrivent dans une certaine tradition du journalisme d’investigation à l’anglaise.
Il y a trois mois, la chaîne Channel 4 accula ainsi à la démission trois députés du Labour. Leur tort ? Avoir déclaré, lors d’une conversation privée mais filmée par une caméra cachée, qu’ils pouvaient influencer, contre rétribution, la politique gouvernementale. Les méthodes de la chaîne ne firent pas débat en Angleterre.
Plusieurs fois récompensé par la profession pour ses révélations, Mazher Mahmood continue donc de prospérer. Il est payé plus de 20 000 euros par mois par le News of the World et assisté en permanence d’un garde du corps et d’un technicien spécialisé dans les micros et caméras cachés. Il sait qu’il ne court qu’un danger : qu’on le reconnaisse et donc que ses couvertures deviennent inopérantes.
Alors il se cache, ne se rend quasiment jamais au journal et n’accorde que de très rares interviews, à visage couvert. Mais sa marge de manœuvre rétrécit forcément à chacun de ses coups. Lors de la conversation qui allait entraîner sa disgrâce, Sarah Fergsuson demanda même plusieurs fois : “Vous n’êtes pas le type de News of the World ? Vous n’êtes pas en train de me piéger ?” Mahmood se contenta de sourire.
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