En filmant un nihiliste aussi détestable qu’admirable, Michel Franco signe le film de plage le moins feel-good de l’été.
La dernière décennie a érigé Michel Franco en cas d’école d’un certain cinéma très apprécié des festivals internationaux, empreint de radicalité affectée, de détachement émotionnel et de sadisme à tout crin.
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Sundown, son septième film, ne déroge pas vraiment à cette caractérisation, et c’est sans doute pour cela qu’un réflexe critique nous avait initialement conduit l’an dernier à Venise à nous en méfier. Le film, pourtant, nous est resté en tête comme un intrigant questionnement sur l’absence d’empathie du cinéaste.
Tim Roth, son possible alter ego (c’est leur deuxième collaboration après l’horrible Chronic (2015), où il jouait un infirmier en soins palliatifs), interprète Neil, héritier mal aimé d’un empire agroalimentaire, accompagnant sa sœur et les enfants de cette dernière pour des vacances à Acapulco qu’un décès familial vient tragiquement interrompre.
Neil ne ressent plus rien, sinon quelques plaisirs (boire, faire l’amour, sans passion), et c’est son bon droit
Une certaine dignité dans l’égoïsme
À quelques mètres de l’avion qui doit les transporter aux obsèques, il feint d’avoir oublié son passeport, rentre à l’hôtel, prolonge son séjour et savoure sa solitude, coupant tout contact avec sa famille endeuillée.Le film est comme malade de négativité, négativité qui se manifeste par un irrépressible besoin de condamner tout le monde à la souffrance, et par des accès de morbidité gratuite, parfois alourdis des effets appuyés de montage (un cadavre à la plage et une viande grillée).
Mais son souci essentiel est d’aller chercher une certaine dignité dans l’égoïsme de son personnage, de l’autoriser à sortir du monde de l’empathie et de l’affectation. Neil ne ressent plus rien, sinon quelques plaisirs (boire, faire l’amour, sans passion), et c’est son bon droit. Franco arrive assez finement à filmer la droiture secrète de ce héros aussi détestable qu’admirable, et bien sûr radicalement camusien – c’est littéralement “aujourd’hui, maman est morte”.
Sundown de Michel Franco, avec Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios (Mex., Fr., Suè., 2021, 1 h 23) En salle le 27 juillet.
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