Présentateur phare de CNews, Pascal Praud enchaîne depuis ce début d’année les sorties hasardeuses et prises de position contestables, se retrouvant au cœur de nombreuses polémiques. Ce qui séduit beaucoup l’extrême droite.
Le 22 mars dernier, Pascal Praud aborde dans son émission L’Heure des Pros le sujet de la réforme de l’apprentissage de la grammaire. Alors que le député Patrick Bloche essaye en plateau de défendre son point de vue, Pascal Praud s’emporte. « Tous ceux qui nous écoutent doivent, en vous entendant, dire : ‘Mais les députés sont à l’ouest’. Je vous parle comme ça ! […] Je ne sais pas dans quel monde vous vivez à l’Assemblée nationale!« . Le député va ensuite quitter le plateau de l’émission.
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Il est l’homme qui monte. Lors de la lente et douloureuse agonie d’iTélé, Pacal Praud a su tirer son épingle du jeu. Son talk politique L’Heure des Pros lancé en 2016, devient après la grève l’un des programmes phares de la chaîne d’info en continu de Vincent Bolloré. Mais aussi le théâtre de nombreuses séquences polémiques, des propos sexistes envers Rokhaya Diallo aux plaisanteries douteuses d’Alain Jakubowicz sur la consonance « pas très française » des noms de certains signataires d’une tribune en réaction aux affaires Traoré et Théo. Le tout dans une ambiance de franche camaraderie.
De TF1 au FC Nantes
Loin de la politique, c’est dans le football que Pascal Praud fait ses armes. Diplômé de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Paris, un temps correspondant pour Ouest France, il rejoint TF1 aux côtés de Thierry Roland dans l’équipe de Téléfoot. Fan du FC Nantes, club de sa ville natale dans lequel il évolue jusqu’en cadet, ces 20 années passées à TF1 (de 1988 à 2008) lui forgent une légitimité dans le domaine du football qui lui permet de se placer dans l’organigramme du FC Nantes en janvier 2008 en tant que directeur général délégué, en charge de la communication. Une aventure qui se termine au bout de seulement deux ans, en mars 2010, d’un commun accord après s’être brouillé avec la presse sportive et locale, les supporters et les employés du club.
Un animateur scruté par les analystes médias
Depuis, Pascal Praud s’est refait une santé. Chroniqueur sur RTL, radio sur laquelle il anime également l’historique direct sportif On refait le match, présentateur du 20h Foot, du 13h Foot et de L’Heure des pros sur CNews, son temps de parole à l’antenne a largement augmenté en deux ans. Début 2017, Arrêt Sur Images analysait l’ascension de Pascal Praud en parallèle au besoin de buzz de la chaîne CNews, et la façon dont les débats sont menés dans son émission :
« Tout sujet est bon pour créer la confrontation en direct, face à un Praud qui, très souvent, ‘tombe de sa chaise‘ face à ce qu’il apprend de ses invités. Des invités qu’il n’arrive pas à ‘mettre d’accord‘, mais qu’il est ‘très heureux de recevoir‘. (…) C’est d’ailleurs Praud lui-même qui donne le ton. A l’instar de l’émission sur la politique anti-pollution de la maire de Paris Anne Hidalgo, le 17 janvier dernier. ‘Anne Hidalgo veut éradiquer la voiture à Paris, comme Cruella d’Enfer veut tuer les dalmatiens, chez Walt Disney‘, lance le journaliste en ouverture. Le ton est donné, et bien suivi durant l’émission. »
Pascal Praud est au journalisme ce que ma mère est au football américain.
— Schmouf 🍉 (@schmouf) April 18, 2017
Et Arrêt sur Images n’est pas seul à s’intéresser aux dérapages de plus en plus fréquents de Pascal Praud et son équipe d’éditorialistes. Un peu plus tôt, en décembre 2016, c’est Acrimed qui pose son regard sur l’animateur, qui interviewe le journaliste Fabrice Arfi de Mediapart suite aux révélations des Football Leaks. Un échange durant lequel Pascal Praud jugera que l’évasion fiscale n’était pas si anormale que ça pour des sportifs autant rémunérés.
« De toute évidence, selon Pascal Praud, il y a fraude et fraude. Si ce sont des ministres, ex-ministres ou hauts fonctionnaires qui sont mis en cause, c’est intolérable et inexcusable. Soit. Mais si ce sont des footballeurs, des dirigeants de clubs, des entraîneurs ou des agents, il faut essayer de les comprendre : après tout, quand on est riche, il est normal que l’on tente d’échapper à l’impôt. »
Investigation = délation ?
Avant d’ajouter que les pressions que subissent les journalistes de Mediapart sont « normales ». Nous avons contacté Fabrice Arfi pour savoir comment l’interview avait été préparée avant l’émission.
« Quand il m’accueille dans la loge, il me salue et me dit ‘Quand on lit tout ce que vous écrivez, on est dégoûté. Cet esprit de délation, personnellement je déteste’. Alors forcément, la discussion s’est vite crispée. Et c’était assez surréaliste comme scène, parce que d’autres personnes se préparaient en même temps que nous dans la grande loge, pour je ne sais quelle émission d’une autre chaîne. Il y avait plein de gens en string, un dresseur de chiens, et au milieu de tout ça nous deux qui nous incendions comme du poisson pourri. Surréaliste. »
Fabrice Arfi n’est pour autant pas surpris par le traitement que lui inflige Pascal Praud pendant l’interview : « Ce sont des choses qu’on a vues depuis 10 ans à Mediapart, ceux qui ne veulent pas voir la vérité incriminent le journal. Mais ce qui est triste, c’est que des séquences comme cela dévalorisent la discussion publique.« .
« Il est beaucoup dans l’exagération et la dérision »
Si en plateau Fabrice Arfi fait bonne figure et mouche son intervieweur avec le sourire, tout le monde n’a pas la même patience. Intervenu via Skype le mercredi 15 février pour parler de l’entraîneur du PSG Unai Emery, le journaliste et auteur du livre Unai Emery, El Maestro Romain Molina s’était par la suite plain sur Twitter de la façon dont il a été reçu par Pascal Praud et son équipe. Par téléphone, il nous explique être moins surpris et énervé par l’attitude de Pascal Praud que par son équipe :
« J’ai été contacté par la chaîne sur Twitter à peine 2h avant l’émission, ça peut paraître large mais pour moi c’est compliqué parce que j’ai dû rouler une heure pour aller me connecter à Malaga. Mais ça partait d’une bonne intention, et je me dis toujours qu’on peut parler à tout le monde. Mais ensuite, on m’a fait patienter 45 minutes avant de prendre la parole, pour au final même pas une minute d’antenne ! Et fallait entendre ce qui se disait pendant les coupures pub. Ils débriefent le match du PSG et ne connaissent même pas les compositions d’équipe. Les gens autour de lui n’étaient pas pros et m’ont mal traité. En ce qui concerne Pascal Praud, je pense qu’à l’antenne, il est beaucoup dans l’exagération et la dérision. Mais il doit tenir son émission. »
Des menaces anonymes
Ses plaintes appuyées sur Twitter donneront lieux les jours qui suivent à quelques réactions. D’abord de Pascal Praud, qui l’appelle pour s’expliquer. « Il m’a appelé le lendemain pour m’expliquer qu’il était désolé, et qu’il n’était même pas au courant que je devais intervenir dans l’émission. J’ai du respect pour sa démarche, même si nous ne partageons pas la même vision du métier.« . Mais également des coups de fil bien moins agréables.
« J’ai aussi reçu des appels anonymes de mecs qui semblaient avoir la cinquantaine et qui disaient que ce que je faisais (les quelques tweets postés par Romain Molina) était dangereux et qu’il fallait les enlever. Qu’il fallait que je fasse attention à ce qui pouvait m’arriver, qu’ils étaient dangereux. Ça m’a fait rire. Je suis à Malaga, je les imagine mal venir jusqu’ici. Et puis il faut être sérieux, ce n’est que du football. Mais je ne pense pas que Pascal Praud soit responsable de ça. Je vois plutôt ça comme des méthodes de producteurs qui veulent protéger l’image de leur émission. »
Un journaliste sportif expérimenté, adepte du débat et de la provoc, qui quitte le FC Nantes après s’être mis à dos les médias et les supporters, et qui serait entouré dans ses émissions de chroniqueurs un brin réactionnaires ou pas assez rigoureux. Voilà ce qui jusqu’ici ressort du travail de Pascal Praud depuis son retour dans les médias. Mais qu’en est-il de l’homme ? Si ce dernier n’a pas souhaité nous rencontrer, nous avons discuté avec un de ses anciens collègues et toujours ami, Nicolas Domenach. Eux qui se sont rencontrés quand Pascal Praud est devenu le présentateur éphémère de l’émission de débat Ça se dispute quelques mois avant que l’émission ne s’arrête sont resté en très bons termes et continuent de se voir à RTL.
"Ce second tour de Présidentielle ressemble à Loft Story, on nous prend pour des benêts", l'édito de @PascalPraud dans #RTLMatin pic.twitter.com/ULFzfpsQn6
— RTL France (@RTLFrance) April 28, 2017
« Politiquement, Pascal n’est ni de gauche, ni de gauche, ni de gauche, ni de gauche »
« Je suis désolé, mais même si on pourrait nous croire assez opposés, je n’ai rien de mal à vous dire sur Pascal« , avoue-t-il en préambule. Après quelques précisions sur la façon dont s’est passée son arrivée à la présentation de Ça se dispute (« Il a cru qu’il était là pour participer au débat, ce qui n’est pas le cas. Mais il a vite compris quel rôle il devait prendre, et c’était très bien comme ça« ), Nicolas Domenach décrit un Pascal Praud « généreux », « élégant du cœur« , un « homme de confiance qui sait écouter » et un commentateur sportif « brillantissime« . Quant à son positionnement politique, Nicolas Domenach ironise : « Si je peux dire, politiquement, Pascal n’est ni de gauche, ni de gauche, ni de gauche, ni de gauche. Après, je ne pense pas qu’il faille l’enfermer à droite. C’est aussi quelqu’un d’ouvert à la discussion. Même si parfois, il faut l’ouvrir au pied de biche« .
« On est assez opposés, mais au final je l’aime bien. Parce que c’est quelqu’un de cultivé avec qui on peut parler pendant des heures, de littérature autant que des Tontons Flingueurs. D’ailleurs, s’il continue comme ça, il va en devenir un de tonton flingueur. »
Au sujet de son comportement à l’antenne, Nicolas Domenach insiste sur la qualité des interviews de Pascal Praud : « Il est sur une ligne où il pense, à raison, que ses questions sont moins importantes que les réponses« . Un raisonnement similaire à celui que nous avait confié Ruth Elkrief il y a quelques semaines.
Merci… Mais "la voix de la sagesse", n'exagérons pas…
— Pascal Praud (@PascalPraud) April 18, 2017
Très apprécié de l’extrême droite
A RTL comme à CNews, l’animateur semble apprécié de ses collègues de travail. Tout comme il l’est de l’extrême droite, et notamment de Pierre Sautarel, le fondateur du site d’extrême droite FDesouche. Sur son compte Twitter, il se réjouit de la « purge de novembre chez Itélé » qu’il qualifie de « salutaire » pour la chaîne. Et les réactions de ceux qui le suivent sont sans équivoque.
https://twitter.com/OzanneSanchez/status/852469912962572289
https://twitter.com/vincent_rameau/status/852447054781702144
Dans son émission du 11 avril dernier, Pascal Praud aborde dans L’Heure des pros la question de la rafle du Vél’ d’Hiv après les propos polémiques de Marine Le Pen sur le sujet. Pour en parler en plateau, une nouvelle tête fait son apparition : Charlotte d’Ornellas, journaliste préférée de l’extrême droite travaillant entre autres pour Boulevard Voltaire. Sur le site extrémiste Riposte Laïque, la rédactrice Jeanne Bourdillon réagit à la présence en plateau de la jeune journaliste, et en profite pour louer les qualités de Pascal Praud.
« C’est toujours un plaisir d’écouter les débats animés par Pascal Praud, sur CNews (…) D’abord, il cherche toujours à vulgariser le débat, à le rendre accessible au plus grand nombre de téléspectateurs. Il n’hésite jamais à poser des questions apparemment naïves, pour contraindre ses invités à préciser leurs propos. Manifestement, il a travaillé ses sujets. »
Dans l’un de ses derniers billets d’humeur sur RTL, Pascal Praud prend la défense du film A Bras Ouverts contre « les Trissotins de la critique » qui « feignent de ne pas comprendre » la caricature du film. Un bon résumé du positionnement de Pascal Praud à l’antenne, réac’ contre ceux qui combattent les discriminations, et coulant avec ceux qui s’en amusent à outrance. Comme il le dit lui-même dans ce même billet, « l’idéologie est partout« . A chacun de choisir donc d’adhérer ou non à celle qu’il véhicule dans ses émissions.
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