La paire franco-américaine embarque de chouettes invités à bord d’un premier album riche en émotions et en prouesses techniques.
Alors qu’un certain nombre d’archivistes aimeraient transformer le jazz en musée, se moquant de la poussière et des nouveaux sons qui parsèment le monde, d’autres préfèrent le jouer avec entrain, persuadé·es qu’il incarne plus qu’aucun autre style l’idéal du cool, une musique constamment ouverte aux turbulences extérieures. Parmi ces nouvelles têtes chercheuses, Domi & JD Beck se trouvent en bonne place.
Voilà maintenant quatre ans, entre jam sessions fiévreuses et compositions plurielles, que ce duo franco-américain (une claviériste, un batteur) propose une autre vision du jazz, seul genre à même, selon lui, d’explorer des territoires vierges, des musiques voisines. Ainsi, la mélodie devient un immense terrain de jeu, situé loin des lieux balisés, où les deux complices peuvent tout mêler sans craindre d’étaler leurs influences, fossoyer le jazz à papa avec élégance et manier le groove – un élément que tant de formations négligent et qui, pourtant, crée la connexion entre la tête et les hanches.
Un plaisir réitéré à chaque (ré)écoute
Cet équilibre entre recherches formelles et efficacité mélodique, c’est précisément ce qui a fini par convaincre Anderson .Paak de les signer sur son tout jeune label, Apeshit, tout comme leurs reprises (de Flying Lotus, MF Doom, John Coltrane ou J Dilla) et leur capacité à côtoyer les plus grand·es, de Herbie Hancock à The Roots, d’Earl Sweatshirt à Ariana Grande.
Âgé·es respectivement de 22 et 18 ans, la Française Domitille Degalle et l’Américain JD Beck ne tremblent pas au moment de valider les attentes : Not Tight est un premier album qui encourage les formes ouvertes (Mac DeMarco, Thundercat, Snoop Dogg et Busta Rhymes ont répondu présents), privilégie l’émotion plutôt que la démonstration vaine et aboutit à un résultat d’une séduisante richesse, de celles qui permettent au public de s’immerger sans crainte dans les coulisses d’une œuvre foisonnante et exploratrice.
“Comment faire du jazz une musique moderne et fière de ses traditions ?”, semblent questionner en creux ces quinze compositions, tandis que certaines d’entre elles s’épanouissent dans une géographie sonore dont les points cardinaux seraient la pop, le hip-hop, la soul et la funk. Woah, dit l’un des morceaux : une exclamation à entendre autant comme un cri d’amour que comme celui d’un plaisir réitéré à chaque (ré)écoute.
Not Tight (Apeshit/Blue Note/Universal). Sortie le 8 juillet.