Travailler chez soi, oui. Mais pas tout seul. Le coworking à domicile se développe : loin des espaces payants et bondés, les indépendants partagent leur salon, leurs compétences et leurs réseaux.
L’économie collaborative n’en finit pas de faire des petits. Après les chambres et les voitures, les salons s’ouvrent aux inconnus le temps d’une journée de… travail. Les freelances en mal de motivation s’invitent les uns chez les autres pour combattre le syndrome de la “procrastination en pyjama”. Ils se rencontrent via la plateforme Cohome, lancée en 2016 par Laura Choisy.
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Communicante web dans le secteur associatif, la jeune femme exerce son activité chez elle. “Quand j’ai démarré, j’ai vite été confrontée au fait d’être seule toute la journée. Je n’avais pas les moyens de m’offrir un espace de coworking à temps plein et dans les cafés, le wifi est instable. Sans compter sur les patrons qui font les gros yeux si l’on reste trop longtemps.” Peu friande des bibliothèques – trop calmes – elle sonde une centaine de travailleurs indépendants pour trouver une solution.
“On a imaginé un site internet où les gens pourraient déposer leurs annonces pour accueillir des freelances chez eux quand ils le souhaitent, ou demander à se rendre chez d’autres personnes”. Le réseau compte à ce jour plus de 5 000 inscrits partout en France, et 220 annonces d’hôtes. “Pour l’instant, on se concentre surtout sur l’Île-de-France”, tempère la jeune femme. La page ressemble à s’y méprendre à celle d’Airbnb, la même carte indiquant les lieux disponibles. Chaque hôte, en plus d’une photo de son salon, détaille les rafraîchissements offerts, le nombre de places, l’ambiance ou le type de connexion du logement. Moyennant 1 à 11 euros – 4 en moyenne, réglés en ligne, tout le monde peut réserver une date, ou en proposer une.
Travail d’équipe
“Faire venir du monde, c’est ma caution-obligation, s’amuse Léa, hôte depuis quelques semaines. Cela m’oblige à être rigoureuse et à faire ce que j’ai tendance à reporter lorsque je suis toute seule. En cohoming, je peux travailler huit heures par jour. Si quelqu’un vient, je sais que mon appartement sera propre et que je serais prête à m’y mettre.”
Conseillère en image auprès de start-ups, elle accueille selon ses pics d’activité, parfois cinq jours par semaine. “Je ne sais pas si je serais à l’aise chez quelqu’un d’autre, mais on est très libre lorsqu’on accueille. Je fixe ma plage horaire, c’est intuitif.” Un mail-type lui conseille de commencer par un café pour faire connaissance, puis d’enchaîner les sessions d’une heure et demie, entrecoupées de pauses.
Dans le XIIIe arrondissement de Paris, Victor a fait une place à Tristan et Ann-Kristin, arrivés dans la matinée. Graphiste et webdesigner, le trentenaire n’a pas été séduit par les espaces de coworking traditionnels. “Certes, il y a du monde et on est mélangé, mais chacun reste derrière son ordinateur. On n’a aucune légitimité à aller parler aux gens, ce n’est pas propice aux rencontres.” Le prix est aussi un critère : dans la capitale, la journée coûte entre 15 et 25 euros.
“Aujourd’hui, cela me semble impossible de travailler enfermé chez soi sans voir personne. On a besoin d’un cadre et d’horaires”, insiste-t-il. Déjà adepte du couchsurfing, il s’est inscrit dès qu’il a entendu parler du projet. “J’aime accueillir, j’ai de la place et un second bureau : autant qu’il serve à quelque chose ! Et même si on ne travaille pas sur le même sujet, on a l’impression de faire partie d’une équipe. Cela booste notre productivité.” Ann-Kristin se tourne vers collègues d’un jour et demande leur avis sur son site. “Vous préférez la version bleue ou grise ?”
Networking
Théière et tablette de chocolat encombrent la table basse, vestiges de la pause déjeuner partagée avec ses invités. Un moment ouvertement dédié au networking. “On profite des pauses pour faire connaissance, cela nous permet de développer notre réseau. Il y a ainsi des amis de Cohome que j’ai pu recommander pour leurs compétences”, affirme Victor. “J’ai moi-même rencontré deux clientes par ce biais”. En changeant de lieu et de camarades, les plus assidus peuvent rencontrer près d’une centaine de personnes par mois.
Des rencontres et soirées servent à fédérer la communauté de télétravailleurs, auto-entrepreneurs, artistes ou jeunes en fin d’études. Des événements pour se rencontrer, et échanger ses compétences : carte de visite contre référencement, coaching contre CV… Laura Choisy se souvient d’une étudiante en recherche d’emploi : “C’est un peu notre success-story. Je l’avais invitée à faire ses recherches depuis chez moi, pour se changer les idées et ne pas être seule devant les lettres de refus. Les autres cohomers l’ont mise en relation avec leurs connaissances et le soir-même elle avait deux entretiens.”
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