Adoubé par la maison Pain Surprises, ce prolifique producteur nous présente « Bluff », un premier EP aussi efficace que ses précédents projets. Rencontre.
Après quinze ans de vie commune avec son binôme Nicolas Kantorowicz et une pause bien méritée, Benjamin Sportes revient sur le devant de la scène avec un nouveau projet solo baptisé Futuro Pelo (les cheveux du futur en espagnol).
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A presque 50 ans, cet artiste – dessinateur et musicien – nous prouve qu’il a encore plus d’un tour dans son sac avec un nouvel ep, Bluff, où se mélangent les fameux samplings et expérimentations sonores qui ont fait la gloire de Sporto Kantes, un hommage à la pop yéyé, le retour au français et aussi une curieuse marionnette : Mr Bouche… bien entourée par des chanteuses à la peau douce (Agnès Aokky, La Flaca).
Sa marque de fabrique ? Un « laboratoire de sons » inspiré par la frénétique scène française des années 80
C’est à la terrasse ensoleillée d’un café typiquement parisien, sur la place de la Réunion, Paris XXe, que l’on retrouve Benjamin Sportes. Entre un vent frais qui balaye les tracts des candidats à la présidentielle et les effluves sucrés du marché primeurs, on s’attarde sur ce quartier qui l’a vu grandir artistiquement et qui reste ancré dans son cœur :
“C’est marrant parce qu’on jouait pas loin d’ici, au Club Gambetta [anciennement Chez Jimmy], le bar adossé à la Flèche d’Or. Quand j’avais 15-16 ans, le quartier était super populaire, pas comme aujourd’hui. Toutes les semaines, la scène pré-alternative s’y réunissait pour bœufer (les Wampas, Parabellum, les Bérus). Et c’était la faune, tu peux pas savoir ! Tous les punks ! La cour des miracles, c’était génial ! Et c’est là où s’est créée toute la scène alternative française (Mano Negra, Les Négresses Vertes). Et donc, avec mon premier groupe, les Wanderers, on venait jouer là-bas. »
Et c’est sans doute cette frénésie artistique, qui a donné à Benjamin le goût du mélange des genres. En effet, Sporto Kantes comme Futuro Pelo ont la particularité d’emprunter des textures sonores à des morceaux préexistants, de les réassembler pour créer un patchwork musical unique, sur lequel se superposent des voix et effets à gogo. Benjamin nous raconte ce contexte artistique qui l’a nourri :
« C’est vrai que c’était un peu un moment d’incertitude musicale. On était en 83-84. On sortait du punk anglais. Tout le monde s’habillait un peu en rockab. Très bizarre ce revival. Un mouvement un peu libertaire. Et le meilleur exemple, ce qui est né de ce truc-là, c’est l’énorme claque de la Mano Negra. Multiculturelle en plus. Ça a entraîné toute une génération, même ceux qui n’aimaient pas le rockn’roll, car c’était tellement humain et festif, mais aussi très référencé. Et moi justement, je viens de ce truc-là. Un laboratoire de sons, où l’on mélangeait tous les ingrédients. Et de ça, tout était possible. »
Un artiste aux multiples facettes : les Wanderers, Torpedo, Sportes puis Sporto Kantes
Après son premier groupe, les Wanderers, puis un détour par Londres pour des études de dessin et de cinéma, Benjamin fait son retour en France dans les années 90 et crée Torpedo, accompagné de musiciens anglais. Puis, entre deux décors signés pour l’émission pour enfants Minikeums, il monte Sportes, un projet moitié en français moitié en arabe. Avant d’entamer en parallèle la grande aventure de Sporto Kantes en 1998, et de signer quatre albums signés chez Gum et deux tournées historiques.
Après l’odyssée Sporto Kantes, viendra la traversée du désert : « Je me suis posé plein de questions, est-ce que j’ai encore envie ? »
A la fin de Sporto Kantes en 2013, Benjamin entame une traversée du désert, avant de retrouver la force de continuer. Dans un premier temps, il se remet au dessin, son premier amour, qui ne l’a jamais vraiment quitté : « Je postais un dessin par jour sur Facebook. C’est un truc qui m’aidait aussi, parce que j’ai arrêté de faire de la musique pendant 6 ou 7 mois. Complètement. J’arrivais même plus à lire la presse musicale ou un livre sur la musique à l’époque. J’étais gavé. Je ne savais plus ce qui était bien et ce qui n’était pas bien, j’écoutais que mes vieux trucs. »
Puis il tente de repartir sur une musique très électronique, dans la mouvance de Disclosure ou des Nantais C2C. Sans grande conviction, Benjamin revient finalement à son être cher : la musique instantanée, celle qu’il crée dans son laboratoire, puisant dans une titanesque banque de sons accumulés au fil du temps :
« Je me suis posé plein de questions, est-ce que j’ai encore envie ? Et puis, je me suis aperçu que je n’étais pas fait pour enregistrer des sons hyper léchés. Je ne suis pas un forcené, à essayer de faire sonner une caisse claire pendant des heures, ni à la pointe des derniers logiciels. Je suis vachement dans l’instantané. C’est pour cela que j’utilise beaucoup de samples. Ça pose un paysage sonore. Il y a déjà une émotion à travers le son.«
Un nouveau laboratoire, un bébé et ça repart !
Convaincu que son rôle d’artiste se situe plus à la frontière entre l’image et le son, le cinéma et le dessin, Benjamin se remet donc au travail, quittant son ermitage et emménageant dans un loft avec l’ancien guitariste de Sporto Kantes (désormais aux manettes d’Arigato Massaï) :
« On s’est installé au sous-sol dans des locaux de Kawanimation, qui bossent dans l’animation. Et travailler avec des gens aussi créatifs ça m’a redonné un certain élan, un coup de boost. En effet, j’ai toujours bossé depuis chez moi. J’ai fait tous les albums de Sporto Kantes, seul, à la maison. »
L’arrivée d’un enfant sur le tard sera également une révélation pour Benjamin, cette naissance lui permettant de se libérer d’un flot de questions qui l’assaillent depuis des années. Il se remet ainsi au travail et compose pendant deux années durant, ce qui deviendra Futuro Pelo.
Futuro Pelo : une aventure collaborative et un premier EP
Sur son premier ep, Bluff, Futuro Pelo n’hésite pas à chanter en français et à inviter des voix féminines, comme celle d’une ancienne chroniqueuse de Radio Nova, à la tête d’un projet électro-poétique : Agnes Aokky. Sur le titre Hands, il invite aussi La Flaca, qui n’est autre que sa femme Mélanie. Cette ex-professeur d’espagnol au Mexique et bilingue, interprétera également des morceaux en espagnol sur son futur album.
Un album prévu pour 2018 et qui s’annonce, comme toujours, multiculturel. L’espagnol, le français, « c’est très varié, ça part un peu dans tous les sens, comme Sporto Kantes. » nous précise Benjamin. Pas de barrière, pas de limite donc, tout est possible, mais le liant de tout ça, restera sans nul doute sa production sonore à base de samplings « qui font que tout d’un coup, tu as l’impression d’avoir déjà entendu quelque chose qui fait partie de ce titre-là. »
La rencontre avec le label Pain Suprises : le choc des générations
Avec quelques titres en poche, Benjamin Sportes ira frapper à la porte de nombreux labels. C’est la jeune maison Pain Suprises (celle du compositeur electro-ménager Jacques, entre autres illuminés) qui répondra la première et avec quel enthousiasme ! Si une génération les sépare, c’est leur créativité commune qui va les réunir. Rapidement, ils collaborent et Benjamin signera un remix pour Jacques.
« Il y a chez Pain Surprises, une grande conscience de marketing, et en même temps c’est très open. On sent que ce sont les énergies des artistes qui leur donnent envie de bosser, plus qu’un calcul financier. Et quand je leur ai apporté mes dessins de Monsieur Bouche et ma musique, ils ont trouvé ça super, et on a tout mélangé. »
Et ce fameux personnage de Monsieur Bouche – caractère principal du clip réalisé en stop motion Bluff – accompagnera en filigrane la nouvelle aventure de Benjamin Sportes : sur scène (sous forme de marionnette), sur le papier (pochette du disque) et virtuellement (dans des clips et sur les réseaux sociaux). Un retour qui a définitivement de la gueule !
Bluff, le premier ep de Futuro Pelo est disponible sur Apple Music (chez Pain Surprises, en coproduction avec Délicieuse Musique)
En concert à Paris au Pop Up du label le 24 mai (soirée Abel), Release Party au Wanderlust le 28 mai, DJ set au Chalet des îles le 2 juin, DJ set pour Konbini sur le toit de l’hôtel Generator le 14 juin, le 28 juin pour la soirée A Nous Paris au Badaboum, puis en Normandie au festival Pete The Monkey le 13 Juillet.
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