La marque Rombaut, créée en 2011, allie esthétique pointue et matières entièrement végétales. Une démarche responsable inédite dans le prêt-à-porter de luxe.
Mats Rombaut est un grand mec longiligne et poli. Né à Gand, en Belgique, il tient à s’exprimer en français, même si ce n’est pas sa langue maternelle. Aussi déterminé à exprimer ses idées visionnaires dans la vie que dans ses créations, il dirige la marque Rombaut, créée en 2011, qui allie esthétique pointue et matières entièrement végétales. Entretien.
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Quel est ton parcours dans la mode ?
Mats Rombaut – Mon rêve a toujours été de travailler dans la mode et de monter ma propre marque. De façon assez pragmatique, j’ai commencé par étudier l’économie à l’Université de Gand. Je suis entré dans une école de mode, à Barcelone. Six mois plus tard, j’ai déménagé à Paris pour être au cœur du marché, là où se passent les choses. C’est là que j’ai fait un stage de six mois chez Lanvin, dans les accessoires. Puis un autre de neuf mois chez Damir Doma. Comme c’était une petite maison, j’ai vraiment touché à tout et suivi toutes les étapes de création, des recherches à la construction de la collection. J’avais toujours le projet de monter ma marque mais je n’avais pas les fonds. J’ai été embauché chez Damir Doma et j’ai travaillé trois ans pour eux.
C’était ton projet initial, de faire une marque entièrement vegan ?
Non, c’est venu petit à petit. À peu près à l’époque où je suis arrivé à Paris, je me suis mis à regarder beaucoup de documentaires sur les élevages animaliers et leur impact sur l’environnement. Je suis devenu végétarien, puis quatre ans plus tard, végétalien. C’est juste en regardant des docus que ça a fait son chemin. En même temps, je travaillais dans les accessoires, je voyais du cuir, de la fourrure à longueur de journée. Je suis progressivement arrivé à la conclusion que je ne pourrais pas travailler en désaccord avec mes principes. Mon rêve, aujourd’hui, c’est de créer des chaussures entièrement biodégradables, qui ne laisseraient aucune trace.
Pourquoi des chaussures ?
Quand j’ai monté ma marque, je me suis dit que c’était dans les accessoires qu’il y avait le plus de boulot. C’est là qu’il y a le plus d’animaux tués. C’était le plus urgent à l’époque, pour changer quelque chose. Mais pourquoi pas faire autre chose dans le futur.
La conscience de ces questions est-elle en train de se développer chez les créateurs ?
Pas tellement. D’un côté, il y a les grandes marques, déjà bien implantées dans le milieu du luxe, qui se mettent à avoir une démarche responsable, comme Stella McCartney. Mais ça ne va pas très loin. De l’autre, il y a des vegan qui se lancent dans la création, mais qui font de la « mode hippie »… Moi, j’aimerais vraiment concilier exigence esthétique et vraie démarche responsable.
Quelle est ton esthétique, justement ?
Elle assez différente d’une collection à l’autre. Ce qui relie les modèles, c’est leur allure tech et leur caractère fort. J’aime bien les contrastes : si je suis dans quelque chose de minimaliste, j’aime que ce soit vraiment pur, si je suis dans le collage, il faut que ça soit chaotique à 100%. Mais ma façon de procéder a pas mal changé. Avant, je commençais à dessiner, je pensais au design. Maintenant, je commence les collections en réfléchissant à la paire que je voudrais porter, et au contexte. Je veux faire évoluer mon esthétique vers quelque chose de moins abstrait. Je voudrais que mes chaussures s’insèrent plus dans une sous-culture et soient plus faciles à porter.
Est-ce que ton esthétique est influencée par les matières que tu utilises ?
Au départ, je ne voulais pas que l’image de la marque soit liée au veganisme. Mais après, je me suis rendu compte que presque personne n’était au courant de ma démarche. 80% de ma clientèle n’est d’ailleurs pas végétalienne. Je me suis mis à faire des chaussures avec des couleurs terre, liège ou caoutchouc naturel. Je ne voulais plus le cacher. J’ai décidé que c’était une force plutôt qu’une faiblesse. J’ai même fait une opération com’ où j’ai réalisé un modèle entièrement en fruits et en légumes.
Quelles matières utilises-tu ?
J’ai testé des trucs. Au début, j’avais trouvé une écorce d’arbre d’Ouganda, que j’enduisais de latex puis mélangeais avec des pigments. Tout était fait à la main, c’était très artisanal. Donc ça ne respectait pas tellement les normes de longueur de vie d’une chaussure. Maintenant, je m’appuie sur les conseils des fournisseurs de tissu, qui connaissent mieux les matières. La chance que j’ai, c’est que depuis quatre ans, le marché a évolué. Il existe plus de matières vegan. Le piñatex, par exemple, c’est un tissu non tissé, comprimé, à l’aspect de cuir, qui a été développé à Londres pendant sept ans, avant d’être commercialisé, il y a deux ans. Je pense que le futur est vraiment dans le développement de nouvelles matières. On a maintenant de la superbe fausse fourrure et du très beau faux cuir.
Comment aimerais-tu que les choses évoluent dans le futur ?
C’est une nécessité que les créateurs n’existent pas dans un vacuum hors du temps et de l’espace. Nous avons vraiment le pouvoir de changer le système. On ne peut pas continuer à produire au pétrole et à entasser des tas de déchets. J’espère que de plus en plus de créateurs auront une démarche engagée. La prochaine étape, c’est peut-être d’ouvrir des formations dans les écoles de mode.
Propos recueillis par Clara Delente
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