Sacrée soirée : le 17 juin, la basilique de Saint-Denis accueille SMADJ, Natacha Atlas et quelques autres pour une création musicale autour du oud. Immanquable.
Un après-midi au studio Babajim à Beyoglu, quartier animé d’Istanbul. L’Anglo-Egyptienne Natacha Atlas, née en Belgique et résidant depuis peu en France, chante en turc, langue qu’elle n’a jamais pratiquée, une composition du joueur de oud franco-tunisien d’origine juive Jean-Pierre Smadja.
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Installé depuis sept ans dans la capitale ottomane, celui qui s’est fait connaître sous le diminutif de Smadj conduit cette séance derrière la console avec la maîtrise que lui confère sa double casquette de musicien et d’ingénieur du son. Miracle ! Quelques heures et une trentaine de prises plus tard surgit de ce micmac multiculturel la chose la plus essentielle et universelle au monde : une chanson d’amour ! Sen Ven Ben part d’une boucle electro sur laquelle Smadj tisse les méandres d’une mélodie au oud. Ce trip-hop mélo à l’arôme oriental, où deux amants s’échangent un serment sur fond d’apocalypse, Natacha se l’approprie pas à pas, mot à mot, avec l’obstination d’une lionne qui chasse et la sensualité d’une (ex- ) danseuse du ventre.
Ce morceau hybride résume idéalement l’esthétique et le parti pris du spectacle Le Oud selon Smadj, qui sera présenté le 17 juin à la basilique de Saint-Denis avec de nombreux invités. Par-delà cet événement inscrit au programme du festival Métis, ce morceau reflète aussi la quête artistique de son auteur, Smadj, qui, au cours d’une riche et sinueuse carrière, n’a cessé de chercher un point d’équilibre et de consonance entre ses goûts musicaux multiples et ses différentes appartenances.
L’un des premiers enregistrements de Smadj sous son nom s’intitulait du reste Equilibriste. Des captations de concerts classiques en tant qu’ingé son au rôle de guitariste dans un sextet de jazz à tempérament groove (Tatoum), de l’immersion dans le mercure des sons électroniques (en particulier de la drum’n’bass) à sa dévotion pour le oud, instrument traditionnel, on peut en effet voir en lui une sorte de funambule enjambant les univers avec une folle désinvolture. Le tout jusqu’à Istanbul, ville où il a élu domicile et qui lui ressemble : un pied en Occident et l’autre en Orient.
Sauf que Smadj n’a jamais été seul dans ses aventures et qu’il possède un goût avéré pour l’échange et un rare talent pour les rencontres. Celle avec Mehdi Haddab, membre d’Ekova et oudiste comme lui, sera déterminante. Ces deux-là vont fonder DuOud, turbulent binôme qui va propulser dans l’ère moderne le vénérable luth arabe aux débuts des années 2000. Comme dans un épisode des Mille et Une Nuits, l’instrument se change en une sorte d’engin volant supersonique propulsant nos deux héros de l’electro-trad vers une carrière internationale avec de nombreuses tournées et l’enregistrement de trois albums, dont un au Yémen.
De Zanzibar au Niger, de la Mauritanie à la Turquie, Smadj va continuer sur cette lancée, multipliant les collaborations, cultivant les connivences, devenant cet ambassadeur passe-muraille et hyperactif du oud. Depuis son arrivée à Istanbul, il a réalisé trois albums pour le maître percussionniste Burhan Oçal, enregistré un passionnant disque d’electro-jazz oriental, Selin, avec Erik Truffaz à la trompette et l’Indien Talvin Singh au tabla. Sur un autre, Hü, il revisite plus classiquement le répertoire de la minorité alévi (branche la plus progressiste de l’islam en Turquie) avec un joueur de baglama (un luth turc), Cem Yildiz, et le chanteur Rustam Mahmudzade.
En somme, Le Oud selon Smadj sera ce moment exceptionnel où il va pouvoir faire la synthèse de tout ça, accompagner son instrument fétiche, vieux de quinze siècles, à travers les âges, du plus classique au plus contemporain, et le faire voyager de l’Anatolie à la Mauritanie, via l’Inde, Israël et la Tunisie. Il composera sous le dôme d’une basilique du Moyen Age cette mosaïque sonore aux contrastes renversants dont il a toujours rêvé, mêlant instruments traditionnels et machines.
Pour sa création, Smadj a invité quelques musiciens avec lesquels il a collaboré : Mehdi Haddab, le trompettiste Ibrahim Maalouf, le joueur de baglama Cem Yildiz. Un ensemble israélien, Beit Al Musica, un joueur de tabla indien, Alok Verma et la diva Natacha Atlas seront du voyage. Un album inspiré de cette création devrait paraître dans les mois qui viennent.
http://dailymotion.com/video/x1qij3_smadj-jeanpierre-smadja_events
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