Affaiblie par les révélations du Canard Enchaîné, Christine Boutin a renoncé à sa rémunération de 9500 euros nets par mois, versés dans le cadre d’une mission confiée par l’Elysée. Un système opaque sur lequel les Inrocks se sont penchés.
Elysée recherche opposant politique pour mission contre forte rémunération. Sarkozystes s’abstenir. Telle pourrait être en substance la petite annonce de Nicolas Sarkozy pour ses prochains recrutements. François Bayrou et Dominique de Villepin devraient rester à côté du téléphone.
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Christine Boutin, Michel Rocard, Alain Juppé, Jack Lang, Hubert Védrine, Jacques Attali, Philippe Séguin, Arno Klarsfeld, Luc Ferry… se sont vus confier, depuis trois ans par l’Elysée, une « mission de réflexion ». Leur point commun : avoir tous été catalogués comme des opposants, par leur étiquette politique ou par leurs prises de position.
Le rapport de Boutin, déjà écrit par Védrine
Missionnée par l’Elysée, mais rétribuée par le ministère du Travail, Christine Boutin doit rendre un rapport sur « les conséquences sociales de la mondialisation ». Pourtant, il y a trois ans, le socialiste Hubert Védrine avait planché sur les réponses à apporter, en France et en Europe, aux défis de la globalisation. Bis repetita? « J’avais essayé de proposer la combinaison des politiques d’adaptation et de résistance à la mondialisation », confie Hubert Védrine aux Inrocks. Et d’ajouter:
« Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas de rapport à faire derrière. Mais on n’a pas besoin d’un énième rapport sur les conséquences sociales de la mondialisation. On a besoin d’aller au-delà et de s’interroger sur les réponses sociales à apporter. Pas sur les effets. »
Deux poids, deux mesures
Christine Boutin aura le temps d’y songer: elle doit plancher jusqu’au G20 de novembre 2011. Mais désormais gratuitement. Poussée à réagir avant que la polémique ne devienne ingérable, l’ex-ministre du Logement a renoncé jeudi soir aux 9500 euros nets qu’elle devait percevoir pendant un an et demi. Pour un montant total de 180 500 euros. Mais elle a gardé le chauffeur et les quatre collaborateurs. Christine Boutin a précisé que sa Peugeot 407 de fonction n’avait pas toutes les options.
« Ce système des missions a toujours existé sous la Vème République, se défend Franck Louvrier, en charge de la communication de l’Elysée. Généralement, les Premiers ministres refusent de percevoir une indemnité. »
Et les autres ?
« Ce n’est pas l’Elysée qui s’occupe du tout de ça. Appelez le SGG (Secrétariat général du gouvernement). »
On attend toujours que le SGG veuille bien nous rappeler… Joints par les Inrocks, Yves Jégo, Jack Lang, Hubert Védrine et Alain Juppé assurent n’avoir touché ni rémunération ni défraiement pour leurs missions actuelles ou passées. Pour tous, « la question ne s’est pas posée ». Jack Lang concède juste le « remboursement de ses billets d’avion ». On est loin des 9500 euros nets par mois versés à Christine Boutin depuis avril.
« Ils sont embarrassés à l’Elysée »
« Le système des rétributions de ces missions est opaque », reconnaît le député socialiste René Dosière, spécialiste des comptes publics. Rebondissant sur les propos de Christine Boutin, mercredi sur le plateau du Grand Journal – « si j’avais été nommée conseillère d’Etat j’aurais eu le même salaire » – la réponse de Dosière est nette:
« Des hauts fonctionnaires à 9500 euros par mois, il n’y en a pas beaucoup. Au conseil d’Etat, primes comprises, les salaires mensuels avoisinent plutôt les 6000 à 7000 euros. Seul peut-être le vice-président du Conseil d’Etat, qui est quand même le premier fonctionnaire de notre pays, peut percevoir une somme avoisinant les 9500 euros nets. »
9500 euros nets par mois, l’équivalent de sept smic… Deux raisons qui pourraient expliquer un tel traitement, explique un ex-missionné de l’Elysée qui préfère garder l’anonymat « pour ne pas accabler Mme Boutin ». Primo, l’utilité du sujet « mais il a été traité cinquante fois ». Secundo : la valeur ajoutée de la ministre sur le sujet. « Ils sont embarrassés à l’Elysée. »
En tout état de cause, Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD), virulente à l’égard de la politique du gouvernement depuis son éviction en juin 2009, a mis de l’eau dans son vin. Faux, rétorque l’intéressée:
« J’ai contesté les retraites, la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, et fait un communiqué de presse sur le problème dans les prisons. »
Avant d’ajouter, comme un demi-aveu sur Canal+:
« Je serai candidate à la présidentielle si le candidat de la droite ne reprend pas les fondamentaux du PCD. »
Les deux parties devraient parvenir à s’entendre…
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