Dans le XXe arrondissement de Paris, la soirée électorale des déçus de la gauche se tient rue des Sorbiers, près de Ménilmontant. Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées “pour se soutenir”, et huer de concert les deux candidats.
“Il y a quinze jours, la foule allait jusqu’au trottoir d’en face. Une équipe de police est même venue détourner la circulation”. Hossein, le gérant du Lieu-Dit, adresse un signe aux clients qui entrent assister à la seconde soirée électorale. “ Tout le monde espérait une victoire de Jean-Luc Mélenchon. Aujourd’hui, j’attends moins de monde. À vrai dire, jusqu’à il y a deux jours, je ne voulais même pas faire ce deuxième tour.” C’est suite aux demandes répétées des habitués qu’il a accepté d’installer un écran le temps des résultats. “Une façon de vivre ce moment éprouvant tous ensemble.”
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À Ménilmontant, dans le XXe arrondissement de Paris, ce café intellectuel littéraire est le repaire de la gauche alternative. Plusieurs fois par semaine, habitués et militants des diverses tendances se retrouvent autour de débats et projections. “Je pense qu’ici, la moitié des personnes a préféré s’abstenir, et l’autre moitié a voté contre Marine Le Pen”, hasarde Hossein. En face, à quelques mètres de sa terrasse, le collectif Sorbier Debout – émanation locale de Nuit Debout, organise un barbecue sauvage. Un bal populaire s’achève trois rues plus bas. Plusieurs dizaines de minutes des résultats, le quartier est en douce ébullition.
“Voter avec son coeur”
La terrasse se remplit. Bière à la main, sourire aux lèvres, l’heure n’est pas encore à la gravité. “On est venus se soutenir, pour que ça soit moins douloureux”, admet Solène. Attablée avec trois amis, cette professeur de lycée n’a jamais adhéré à aucun mouvement ou parti. “J’ai voté Mélenchon et partagé beaucoup de choses sur Facebook, mais ça ne va pas plus loin. Aujourd’hui, j’ai voté blanc pour la première fois de ma vie, la boule au ventre. Mais on sait déjà qui a gagné.” Pas d’animosité pourtant dans la voix de cette trentenaire : vie associative, discussion avec ses élèves, elle multiplie les “solutions locales”.
Marie, 36 ans, a voté blanc aux deux tours. “Il faut sortir de ce système d’élections qui sont une mascarade et ne représentent pas la majorité de la population.” Habitante du quartier, elle a néanmoins suivi la campagne, “pour l’échange d’idées”. “Christiane Taubira disait cette semaine qu’il faut voter avec son coeur au premier tour, et éliminer après. Je ne suis pas d’accord : il faut voter avec son coeur tout le temps.” Comme le 23 avril, vient assister à la projection et n’exclut pas d’aller manifester en fin de soirée.
Le chant des partisans
Depuis plusieurs jours, les appels à se rassembler “hors des grandes places” circulent sur les réseaux sociaux. “C’est une manière de revenir là où les gens vivent, explique Marie. Il y a deux semaines, il y avait des baignoires et quelques poubelles dans la rue”. Une nuit des barricades, dans le quartier Ménilmontant ? “Ca ne me semble pas impossible !” sourit-elle.
Moins le quart, les hauts-parleurs inondent l’extérieur, la queue s’allonge devant le bar. Dans les deux salles, les écrans branchés sur France 2 suscitent des nuées de commentaires. “Dire qu’il y a cinq ans j’étais rue Solférino !” “Allez ! Qu’on en finisse !” Nicolas Dupont-Aignan se fait huer, avant que l’on ne se taise : “Ils ont mis leur musique stressante…”. Quand les deux visages s’affichent, un “ouuuuh” sonore retentit. Les discussions reprennent rapidement, entrecoupées de rires forcés lorsque le visage de Marine Le Pen apparaît.
L’effervescence de 20 heures est une parenthèse. Lorsque le nouveau président prononce son discours, l’intérieur s’est vidé, l’auditoire peu convaincu. On éteint la télé sous les applaudissements pour diffuser « Le chant des partisans ». Un débat s’organise. Au même moment, sur la place Ménilmontant retentissent déjà les “Macron, démission !”.
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