Après deux concerts dans la petite ville de Sherbrooke, le groupe Montréalais a enchaîné avec un gigantesque concert sur le parking d’un centre commercial. Et nous y étions encore.
La Place Longueuil vous connaissez ? Non ? C’est un centre commercial en banlieue de Montréal, comme vous en avez près de chez vous. Avec des magasins de chaussures, de sport, de vêtements, de bouffe, de hi-fi, de bricolage, et des restos (comme par exemple le Saint-Hubert, un fast-food typique québécois genre Flunch dans lequel nous avons mangé des wings de poulet qu’on regrette déjà, et où on a aussi trempé du pain dans une sauce brune – c’est la tradition visiblement).
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C’est sur le parking de cette fameuse Place Longueuil qu’Arcade Fire avait annoncé, lundi, son intention de donner un grand concert gratuit. Et ce après deux concertes époustouflants donnés à Sherbrooke, une petite ville des cantons de l’Est du Québec.
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans Montréal, avec sa dose d’incertitude. Et pour la sécurité, comment ça va se passer ? Et à quelle heure commence le concert ? Et comment on y va sans que ce soit la curée ? Nous, nous nous sommes pointés vers 18h, l’heure à laquelle les gens sortent avec les caddies et chargent les courses dans les coffres de voitures. Une grande scène est bel est bien installée. Devant, une grosse centaine de personnes, des fans en majorité.
Même les grands-parents sont là, avec chaises pliantes et thermos de café
Pour le reste, la vie continue Place Longueuil : on finit un sandwich, on vide ses courses, on traîne devant le centre commercial. Au bout d’une heure (on a mangé donc) les gens commencent à arriver. Des fans de rock en majorité, débarqués des quartiers cools de Montréal. Mais pas que : la presse locale a fait son travail, et tout Longueuil s’est mobilisé. Des familles débarquent, avec poussettes etc…, devant la grosse dizaine de policiers en VTT qui surveillent. Tout à l’arrière du parking, autour duquel on a installé des barrières jaunes, des « casques d’argent » on installé des chaises pliantes, et on ramené le thermos de café. Pour voir ce que donne ce « groupe de jeunes » dont parlent leurs petits enfants (« des zoulous »).
19 h 30, le parking se remplit : plus de 2000 personnes sont sur site. Pourquoi ce concert ? Le groupe n’a pas vraiment révélé ses intentions, mais son album s’appelle The Suburbs (« La Banlieue »), et Longueuil en est l’archétype. Heureusement qu’Arcade Fire n’a pas intitulé son album La Décharge municipale ou Le Centre de bronzage hein. Derrière la scène, un immense panneau publicitaire vente les mérites d’un livre sur l’art des grillades en plein air : Le Barbecue et ses secrets. Le public commence à arriver en masse du métro.
« Et pourquoi pas les White Stripes à Trois-Rivières ? »
19h45, près de 5000 personnes sont désormais autour de la scène, et pas que des fans : il y a aussi des gens du coin qui sont venus voir le groupe phare de Montréal. L’heure du concert est encore incertaine. Ça discute, ça rigole. « Arcade Fire à Longueuil, et pourquoi pas les White Stripes à Trois-Rivières ? »
En s’approchant des barrières, on voit le groupe qui se prépare. Will Butler, le frère du leader du groupe, vient serrer deux ou trois louches. Ambiance bon enfant.
20h, une bronca se fait entendre au devant de la scène. Le groupe déboule à toute vitesse sur scène. Et joue d’emblée des morceaux du nouvel album, dont on ne connaît pas encore bien les morceaux. Month of may, découvert sur le Net, est le premier morceau qu’on choppe d’emblée, avec sa rythmique très Springsteen. Puis c’est No Cars Go, peut-être le meilleur morceau jamais écrit par Arcade Fire, qui mobilise les troupes. On jette un œil sur la foule, c’est désormais une bonne dizaine de milliers de personnes qui se sont regroupées Place Longueuil, pour ce concert pas comme les autres.
« Vous vous demandez pourquoi ce concert sur un parking ? »
La nuit commence à tomber, et c’est Haïti qui finit de transformer cette gigantesque place de parking en lieu de concert, avec une Régine Chassagne acharnée au micro. A la fin du morceau, Win Butler, avec sa coupe à l’iroquoise, lance : « Vous vous demandez pourquoi ce concert sur un parking ? La réponse plus tard ! » Puis il reprend dans un éclat de rire :
« Ce que je peux vous dire, c’est que Jeremy, notre batteur, est un gars du coin. Son surnom ce soir, c’est Jenny from the block. »
Le public se marre. Arcade Fire enchaîne avec Neighborood #2 et Intervention, qui convertissent définitivement le public. Un tapis idéal pour Modern Man et Rococo, deux nouveaux morceaux qui montrent un Win Butler déterminé à emmener à nouveau son groupe vers les sommets.
Comme à Sherbrooke, Arcade Fire joue tendu, très rock, entre Joy Division et Talking Heads, avec une énergie et une envie stupéfiantes. Will Butler est en folie dans son rôle de Jack Black multitâche : il saute sur tous les instruments, de la guitare aux claviers en passant par le tambourin. Des cris se font entendre dans la foule, les Montréalais ont d’ores et déjà gagné leur pari. Le lendemain il y aura ceux qui étaient à Place Longueuil, et les autres. « Ils jouent ben des instruments », dit un homme avec un fort accent québécois.
L’habituel « Wake up ! » pour clore le concert
Après une version très chouette de The Suburbs, et deux autres enchaînées dans la foulée de Neighborood #3 (Power out) et Rebellion (Lies), Arcade Fire quitte la scène quelques instants avant de revenir sous les hourras pour un rappel. Keep The Car Running ouvre le bal, avant de céder la place à l’habituelle chanson de clôture (ou d’ouverture), Wake up !, que le public reprend en chœur dans la nuit montréalaise. C’est assez beau.
Le groupe finit ce concert improbable en beauté, remercie la mairie de Longueuil, et laisse plus de dix mille personnes béates sur cette énorme place de parking, sans avoir vraiment expliqué les raisons de sa présence dans ce lieu insolite. Au final ce n’est pas très grave. Les dix mille personnes quittent le site dans un silence heureux. Les magasins sont fermés. Arcade Fire est bel et bien de retour. Quelle sera la suite des événements ? On peut désormais s’attendre à tout. Restez attentifs.
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