Un garçon erre à Bogotá, questionne la violence et les codes de la masculinité. Pour son premier film, le réalisateur colombien refuse le misérabilisme pour embrasser un onirisme à la frontière entre fiction et documentaire.
L’an passé à Cannes, deux premiers films colombiens faisaient bouger les lignes de leur territoire (géographique, cinématographique) et de ses représentations : L’Éden d’Andrés Ramírez Pulido et Un varón de Fabián Hernández. Tous deux conscients de leur héritage, celui d’un cinéma heurté par les violences d’un pays, proposaient d’en redéfinir les codes pour imager les prémices d’une possible guérison.
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Un varón s’ouvre comme un casting sauvage ou une réunion type Alcooliques anonymes. Face caméra, des hommes d’âges différents confient leur rapport à la masculinité, rapport invariablement tourné vers l’assurance d’une force physique et d’une virilité appréhendées comme les seules armes permettant de survivre à la vie de la rue.
Récit d’apprentissage
Au milieu d’eux, un visage plus jeune et parfaitement indéfinissable. Il s’appelle Carlos, et ressemble à un enfant perdu, issu des rêveries de Peter Pan. Le film s’enfuit très vite et définitivement de ce dispositif pour suivre le garçon errant dans la ville et dans la nuit comme un adulte, paradant avec les attributs de cet homme qu’il doit être. Le film lui est dédié, il marche dans ses pas non pour l’épier comme un animal sauvage mais pour se tenir à ses côtés, être cet œil qui le regarde et le console dans une étreinte invisible. Un varón traverse, en sachant la regarder, une ville en perdition, sans que jamais le tableau pourtant chargé ne dérive vers un misérabilisme de bidonville.
La beauté lyrique du film se situe justement dans cet onirisme qu’il fabrique à force de jouer sur l’indécision entre documentaire et fiction pour lorgner vers un fantastique nébuleux. Il la trouve aussi dans sa manière de reconduire le récit d’apprentissage à l’envers comme pour s’accorder à cette déconstruction du masculin à l’œuvre, pour que Carlos, chimère d’homme précoce, puisse pleurer comme un enfant.
Un varón de Fabián Hernández, avec Felipe Ramírez (Col., 2022, 1 h 22). En salle le 15 mars.
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