Cédric Jimenez reconstitue la traque des terroristes du 13 novembre dans un thriller à peu près lavé des tares idéologiques de BAC Nord, mais hélas atone.
“On fait pas d’infiltration sauvage ici, on n’est plus à la PJ de Roubaix !” Jean Dujardin passe un savon mérité à Anaïs Demoustier, qui a pris la liberté d’interpeller un suspect sans prévenir la hiérarchie, ignorant qu’il s’agissait d’un informateur de la DGSI, qu’elle a de fait grillé. À la PJ de Roubaix, ou à la BAC de Marseille ? La réplique, et avec elle tout le film, fait un drôle d’effet six mois après le tollé déclenché par le précédent film de Cédric Jimenez, thriller pro-ripoux récupéré par tout ce que la droite et ses extrêmes ont compté de candidat·es à la présidentielle.
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Évidemment, vu le sujet, on aurait difficilement imaginé un vigilante movie au-dessus des lois. Mais il reste frappant de constater avec quel zèle Novembre se fait le film de la bureaucratie policière, celle-là même qui était le principal antagoniste de BAC Nord, bien plus que les trafiquants.
22, v’là Novembre
Ici on respecte la procédure, de même que Jimenez, qui semble avoir dilapidé son compte CPF en formation accélérée de morale filmique… au point de ne rien oser filmer : ni les coupables (Salah Abdeslam et Abdelhamid Abaaoud ne sont joués par personne, et leur véritable photo plane sur toutes les scènes, comme si aucune fiction n’avait de prise sur eux), ni les victimes (à part une courte séquence d’interrogatoire à l’hôpital), ni bien sûr les attentats (là, encore heureux). Ne restent que des flics passant des coups de fil dans des bureaux, matière monotone, anti-dramaturgique au possible, dont Jimenez peine à extirper le Zero Dark Thirty de cinq jours que son film a sans doute un peu rêvé d’être. Mais Zero Dark Thirty ne fonctionnerait pas sans l’omniprésence sourde de l’altérité absolue représentée par le camp d’en face.
Tout doit donc s’écrire sur le visage des flics, visages n’imprimant eux-mêmes pas grand chose, Jimenez s’étant également refusé à les “héroïser” et même, par une espèce de montée de surmoi confinant toutes les actions des personnages à leur travail, à les étoffer d’une quelconque manière. D’accord, mais on joue quoi, chef ?! La concentration, et moi je me débrouillerai au montage ! Résultat : un défilé de froncements de sourcils et de courses dans des bureaux de verre, qui ressemblent au liant inodore d’un Jason Bourne ou d’un épisode de 24 Heures chrono, sans que quoi que ce soit n’en surgisse.
Novembre de Cédric Jimenez, avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain et Jérémie Renier, présenté hors compétition au festival de Cannes, en salle le 5 octobre 2022.
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