Pendant deux heures, sous le regard impuissant des journalistes, les deux finalistes de la présidentielle ont offert un spectacle ahurissant. On vous fait le débrief.
Pendant deux heures, devant 15,15 millions de téléspectateurs, Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont affrontés lors d’un débat historique diffusé sur France 2 et TF1, et présenté par Nathalie Saint-Cricq et Christophe Jakubyszyn. En 2002, Jacques Chirac avait refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen, estimant que ce duel pouvait valoriser son adversaire. Emmanuel Macron s’en est-il voulu d’avoir donné à la présidente « en retrait » du FN cette tribune ? Sur France Inter ce matin, il a défendu : « Je crois qu’il faut débattre avec le Front national. On n’arrive pas à tordre le cou à tous les mensonges mais on en tue quelques uns. Il est indispensable d’aller sur le terrain de bataille, même si on se salit un peu ». Un peu seulement ?
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REVOIR – @EmmanuelMacron : "Je crois qu'il faut débattre avec le Front National." #Le79Inter #2017LeDebat pic.twitter.com/ajQIvqFZrF
— France Inter (@franceinter) May 4, 2017
En réalité, du début à la fin, Marine Le Pen a déversé toute sa hargne sur le candidat d’En Marche!, noyant le débat dans des échanges souvent inaudibles, sous le regard rapidement impuissant des journalistes qui n’ont jamais pu rétablir l’ordre – l’air blasé de Nathalie Saint-Cricq est rapidement devenu le mème de la soirée.
https://twitter.com/Freezze/status/859856464952909827
Discrètement, les deux journalistes modérateurs du débat viennent de sortir un nécessaire à fondue. #2017LeDebat
— Le Gorafi (@le_gorafi) May 3, 2017
« Soumettez-vous. Vous êtes le candidat à plat ventre »
A toutes les occasions qui lui étaient données d’expliquer les mesures de son programme, Marine Le Pen a utilisé son temps de parole pour attaquer son adversaire, le renvoyant au mandat de François Hollande, et l’accusant d’être le candidat de la mondialisation, de « l’ultralibéralisme », et de « la fermeture d’usines ». « Vous êtes l’héritier de François Hollande et de vos collègues socialistes. On vous appelle maintenant Hollande Junior », « Soumettez-vous. Vous êtes le candidat à plat ventre », s’est-elle par exemple gaussée.
"Vous êtes à plat ventre en permanence" Le Pen à Macron qui répond "Je suis debout, je n'ai pas besoin de salir" pic.twitter.com/Och9MGGQlw
— franceinfo (@franceinfo) May 3, 2017
Pour le renvoyer définitivement au passé, elle l’a d’ailleurs désigné ainsi : « Monsieur le ministre de l’Economie, ou devrais-je dire monsieur le conseiller auprès de M. Hollande ».
http://www.dailymotion.com/video/x5kqhje_debat-2017-marine-le-pen-a-emmanuel-macron-monsieur-le-ministre-de-l-economie_news
« Vous êtes héritière d’un système, d’un parti, d’un nom »
Emmanuel Macron a tenté tant bien que mal de garder son calme, et de ne pas laisser passer ces attaques. « Vous êtes héritière d’un système, d’un parti, d’un nom », a-t-il répliqué, la qualifiant de « grande prêtresse de la peur ». Malheureusement, ces échanges de politesse ont laissé peu de place au fond, mais beaucoup de place aux mensonges de la part de la candidate du FN. Elle a – par exemple – accusé à tort Emmanuel Macron d’avoir vendu SFR à Patrick Drahi, d’avoir vendu les chantiers STX de Saint-Nazaire aux Italiens, ou encore d’avoir fait en sorte que le CICE ne bénéficie qu’aux grandes entreprises.
Les ouvriers de Whirlpool au centre du débat
Les belligérants ont évidemment évoqué le sujet de l’usine Whirlpool d’Amiens, menacée d’être délocalisé en Pologne, et qui a marqué l’entre-deux tours. Emmanuel Macron a critiqué son attitude cynique sur place, l’accusant d’avoir passé « un quart d’heure » seulement avec les ouvriers pour « prendre des seflies » et de « ne pas respecter » les ouvriers.
Les explications incompréhensibles de Marine Le Pen sur l’Euro
Sur l’Europe, Marine Le Pen a expliqué qu’elle souhaitait une « alliance européenne des nations libres et souveraines » pour remplacer l’UE. Elle a également qualifié l’Euro de « monnaie des banquiers », et non « du peuple ». Sur ce sujet, elle a placé une de ses punchlines : « La France sera gouvernée par une femme dimanche, ce sera moi ou Mme Merkel ».
https://twitter.com/franceinfoplus/status/859878059880718339
Cependant, lorsqu’Emmanuel Macron l’a interrogée sur la sortie de l’Euro, la candidate s’est confondue en explications vaseuses. Même l’ancien dirigeant du Front national de la Jeunesse en a convenu sur Twitter :
Voila. MLP catastrophique sur l'Euro. Voila. #2017LeDébat
— Julien Rochedy (@JRochedy) May 3, 2017
Mon avis, objectif, : MLP a bien commencé, a tapé fort et juste, puis Macron a pris le dessus, et MLP s'est laissée aller. 😕 #2017LeDebat
— Julien Rochedy (@JRochedy) May 3, 2017
Les expressions old school d’Emmanuel Macron
Le candidat d’En Marche! a reproché à Marine Le Pen de ne « rien proposer » aux Français et d’éviter de répondre aux questions, ou de faire seulement des promesses irréalisables, car « non financées ». Pour ce faire, il a notamment utilisé l’expression « poudre de perlimpinpin », remarquée sur Twitter :
C'est de la poudre de #perlimpinpin !! J'adore!! Bravo @EmmanuelMacron ! #poudredeperlimpinpin #2017LeDébat #bravo 👍👏😂 pic.twitter.com/fndDfJ2cGj
— Anthony Maubert (@AnthonyMaubert) May 3, 2017
Il a aussi dénoncé ses « sauts de cabri », référence à un discours fameux du général de Gaulle :
L’UOIF et le procès en complicité avec le communautarisme
Marine Le Pen a placé au coeur de ses attaques le procès en complicité avec le communautarisme d’Emmanuel Macron, en l’accusant d’avoir accepté le soutien de l’UOIF, l’Union des organisations islamiques de France. « Il faut éradiquer l’idéologie du fondamentalisme islamiste et vous ne le ferez pas parce que vous êtes soumis à eux », l’a-t-elle tancé. L’organisation a qualifié dans un communiqué d' »élucubrations » les propos de Mme Le Pen, affirmant n’avoir aucun lien avec le candidat.
Marine Le Pen accuse Emmanuel Macron de soutenir l'UOIF et de soutenir le fondamentalisme islamiste #2017LeDébat pic.twitter.com/j6g0NKwvYk
— franceinfo (@franceinfo) May 3, 2017
Pour finir, on retiendra la tension particulière qu’il y avait sur le plateau, comme en témoigne cette séquence :
https://twitter.com/TF1LeJT/status/859853852086071298
La candidate a même flirté avec la diffamation en déclarant : « J’espère que l’on n’apprendra pas que vous avez eu un compte offshore aux Bahamas… » L’équipe de M. Macron a annoncé qu’elle allait porter plainte.
Le moment où Marine Le Pen a craqué
Il restera sans doute dans les mémoires :
Marine Le Pen en mode actor's studio #2017LeDebat pic.twitter.com/eQUD9SBmED
— BuzzFeed France News (@BuzzFeedNewsFR) May 3, 2017
Pour conclure, Emmanuel Macron a tranché : « Mme Le Pen peut rester à faire le spectacle à la télévision, moi je veux présider le pays ». Conclusion : Chirac avait peut-être raison d’éviter le spectacle désolant d’un débat avec l’extrême droite ?
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