Huis clos à ciel ouvert intransigeant, le film ausculte avec une intelligence singulière cette part sombre de l’histoire française.
C’est une vieille rengaine : l’histoire est-elle affaire de point de vue ? Cette question, que l’on a trop entendue lors de la dernière élection présidentielle, traverse le nouveau film de Philippe Faucon, qui parle d’hier et d’aujourd’hui. Les Harkis fait le récit de ces Algériens engagés auprès de l’armée française durant la guerre d’Algérie, abandonnés et sacrifiés une fois le conflit terminé.
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Suivant la traversée d’un petit escadron dans les montagnes algériennes, aplat au ton ocre et décor quasi unique, ce huis clos à ciel ouvert, qui s’étale sur plusieurs années, est rythmé par l’affichage de cartons journaliers venant signifier la progression lente de la troupe. Dans ce cheminement sans réelle destination, ce sont les tempêtes intérieures de ces hommes, traîtres ou patriotes, convaincus ou forcés de défendre la France, qui résonnent et gonflent à mesure que l’espoir d’un rapatriement et d’une protection pour eux et leurs familles se dissipe.
Entre forme dépouillée et colère rentrée
Aux dilemmes et crises schizophréniques, le cinéma de Philippe Faucon donne une réponse ferme, nous disant que ni l’identité, ni la place, ni le rang, rien de ce qui constitue l’homme en tant qu’individu ne peut justifier quelque divergence de point de vue sur une histoire invariable. Toute la singularité et la force politique de son œuvre résident dans cette persistance d’affirmation, incarnée par une fine combinaison entre une forme extrêmement dépouillée et une colère rentrée, celle de la vive conviction de l’injustice.
Ce principe d’équilibrage constant se retrouve jusque dans la composition de ce film choral, où chaque personnage existe individuellement et collectivement. Il y a indéniablement, dans ce qu’on aurait tort de réduire à de la modestie, une intelligence sensible du monde, et une connaissance profonde des rapports humains.
Les Harkis de Philippe Faucon, avec Théo Cholbi, Amine Zorgane (Fr., 2022, 1 h 22) En salle le 12 octobre.
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