Le documentaire « Nous vengerons nos pères », diffusé sur Public Sénat, explore les parcours singuliers de militants antifascistes et internationalistes dans les années 1960, dont les parents ont vécu l’horreur de la Seconde guerre mondiale.
Fut un temps où, quand l’extrême droite organisait un meeting à la Mutualité contre l’immigration, elle était vivement contestée dans la rue par des militants antifascistes déterminés. Ordre nouveau, l’ancêtre du Front national, en a fait les frais le 21 juin 1973. Ce jour-là l’extrême gauche unie organise une contre-manifestation monstre, et s’affronte à la police, qui protège les militants nationalistes. La Ligue communiste était la principale force organisatrice de cet événement, qui a fait quatre-vingts blessés parmi les forces de l’ordre.
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Des familles touchées par la traque et le génocide des Juifs
Alors que le Front national a accédé au second tour de l’élection présidentielle, et que l’extrême gauche est devenue trop faible numériquement pour s’affronter à lui physiquement lors de ses meetings, un documentaire explore les ressorts de la colère qui animait – et anime toujours – ces militants très politisés à gauche. Nous vengerons nos pères, réalisé par la docteure en sociologie politique Florence Johsua et Bernard Boespflug, montre que les origines juives de nombreux militants révolutionnaires nés dans l’après-guerre n’y sont pas pour rien.
Interrogés dans le film, Patrick Chorowicz, Serge Gilberg, Janette Habel, Charles Michaloux ou encore Hélène Feldhandler, tous militants antifascistes et internationalistes dans les années 1960 (à la Jeunesse communiste révolutionnaire, devenue Ligue communiste, puis Ligue communiste révolutionnaire), font le lien entre leur engagement et l’histoire de leurs familles, touchées par la traque et le génocide des Juifs.
« J’avais des comptes à régler avec 1939-1945 »
Dans son livre très instructif Anticapitalistes. Une sociologie historique de l’engagement (éd. La Découverte, 2015), Florence Johsua abordait déjà ce thème, à la marge. Alain Cyroulnik, issu d’une famille juive polonaise et russe, et dont les grands-parents maternels ainsi que son oncle paternel ont été assassinés à Auschwitz, affirme ainsi :
« Quand je commence à rentrer dans la Jeunesse communiste, j’ai des comptes à régler avec 1939-1945. »
A propos de son engagement politique, il évoque un « antifascisme viscéral, viscéral au sens où la plupart d’entre nous ont été directement touchés dans leur famille, et qu’on tape pour venger nos parents ».
« La bataille pour écraser la peste brune dès qu’elle apparaît est nécessaire »
C’est donc en réponse à un profond désir de représailles que ces militants « communistes révolutionnaires » ont eu recours à des actions violentes contre l’extrême droite. Au cours du documentaire, ils racontent ainsi leur lutte contre l’Organisation armée secrète (OAS) à la fin de la guerre d’Algérie, qu’ils situent dans la continuité du combat antifasciste.
Le 25 juin 1973, après la contre-manifestation pour contester Ordre nouveau, le fondateur historique de la JCR Alain Krivine déclarait :
« Nous ne sommes pas à la veille du fascisme en France, mais nous voyons se développer dans le pays la haine raciale, l’antisémitisme, les ratonnades de travailleurs immigrés, et nous lançons un appel à tous les antifascistes : la lutte menée dans Paris concerne les millions de démocrates qui ont compris que la bataille pour écraser la peste brune dès qu’elle apparaît est nécessaire. »
On mesure aujourd’hui la portée de ces paroles…
Nous vengerons nos pères, de Florence Johsua et Bernard Boespflug, 52 min, à voir sur Public Sénat samedi 29 avril à 23 h et dimanche 30 avril à 10h15 et 18 h, ou ici.
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