Une relation trouble entre légionnaires, le cinéma comme territoire du rêve ou encore le plus beau film du monde, quelles sont les immanquable sur la plateforme ?
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L’Aventure de Mme Muir de Joseph L. Mankiewicz (1947)
Parfois, il vaut mieux ne pas écouter les dires des cinéastes sur leurs propres films. L’Aventure de Mme Muir en est un exemple éclatant. Quatrième long métrage de Mankiewicz que lui-même considérait comme un simple “travail d’apprentissage”, le film n’est pourtant pas loin de l’idée que l’on peut se faire du chef-d’œuvre absolu. Grand récit sur la fuite du temps et du délitement inexorable qu’il produit sur les choses, L’Aventure de Mme Muir appartient à la première partie de l’œuvre du cinéaste, alors qu’il était seulement metteur en scène et non scénariste (il cumulera les deux postes dès Chaînes conjugales en 1949). En désertant ici son rôle de brillant architecte de scénarios dont il sera coutumier par la suite, Mankiewicz délaisse la virtuosité et signe peut-être son film le plus bouleversant.
Senses de Ryūsuke Hamaguchi (2015)
Si avec Drive My Car, Ryūsuke Hamaguchi a bénéficié d’un adoubement unanime à Cannes en 2021, confirmant sa place au rang des plus grands cinéastes en activité, le réalisateur japonais est l’auteur d’une filmographie secrète initiée dès le début des années 2000. Si la moitié de ces films sont toujours inédits en France, Senses (réalisé en 2015 mais sorti à contre-temps trois ans plus tard dans les salles françaises) a permis de relever pour la première fois l’immense talent du Nippon. À la lisière entre le film et la série, ce récit de plus de cinq heures scrutant le quotidien solitaire de quatre femmes impose déjà Hamaguchi comme un des grand filmeurs de l’intime, trouvant la vérité des situations dans l’étirement de ces scènes.
Beau travail de Claire Denis (1999)
Beau travail ou le corps au travail. Voilà comment on pourrait résumer le sujet de l’éblouissant sixième film de Claire Denis. Le récit nous plonge au sein de la Légion étrangère à Djibouti, lorsque l’arrivée de Sentain, une jeune recrue charismatique, trouble l’adjudant-chef Galoup (Denis Lavant) chargé d’entraîner les légionnaires dans des conditions extrêmes. Le désir refoulé mêlé de jalousie que ce dernier ressent envers Sentain va le pousser à enfreindre tous les règles du code d’honneur des légionnaires. Scrutant au plus près la matérialité des êtres, délaissant les pesanteurs psychologiques pour accoucher d’un cinéma purement sensorielle, Claire Denis fait entrer le cinéma dans le nouveau millénaire de la plus puissante des manières.
Le Plein de super d’Alain Cavalier (1976)
Le Plein de super de Cavalier, ça ressemble à du Claude Sautet mais c’est tout l’inverse. Du cinéma de papa ? Certainement pas. Du cinéma bourgeois ? Encore moins. Improvisé et écrit au jour le jour en collaboration avec son quatuor de comédiens (Patrick Bouchitey, Étienne Chicot, Bernard Crombey et Xavier Saint-Macary), c’est un film qui avance dans l’inconnu. Malin trompe-l’œil, ce cinéma de mecs et de beuverie entre potes se précise petit à petit comme une photographie trash et percée de nihilisme sur la veulerie de la France giscardienne.
Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul (2010)
La Palme d’or la plus audacieuse de la dernière décennie, décernée devant un bain de festivaliers mi-consternés mi-ravis par le président du jury Tim Burton, qui résuma le film d’une brève mais belle formule : “Le film m’a paru aussi étrange et beau qu’un rêve.” S’il a toujours été question d’onirisme chez Weerasethakul, le film marque une nouvelle étape dans l’œuvre du cinéaste. En mettant en suspens tous les éléments du cinéma de narration, Oncle Boonmee propulse son spectateur dans un cocon sensoriel qui conjugue la pure matérialité à la transcendance mystique, quelque chose de l’ordre d’un paradis de cinéma.
Rage de David Cronenberg (1977)
Suite à un accident qui lui fait subir de graves brûlures, Rose se rend chez un chirurgien peu scrupuleux afin de l’aider, mais son corps rejette la greffe de ce dernier. Des pulsions apparaissent alors, la poussant à des envies sanguinaires. Quatrième long métrage de Cronenberg, affilié à sa première partie de carrière résolument Z, Rage explore déjà avec une radicalité et une cohérence rare les deux grandes thématiques du laboratoire filmique du Canadien : l’exploration des pulsions les plus extrêmes et la plasticité de l’enveloppe corporelle.
Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967)
Parce que 55 ans après, c’est toujours le plus beau film du monde, que vous soyez amoureux·ses éperdu·es ou naufragé·es. du cœur, il y aura toujours quelque chose à chercher et à trouver dans Les Demoiselles de Rochefort.
Alice et le Maire de Nicolas Pariser (2019)
La politique est-elle toujours le lieu des idées ? C’est l’une des questions du film de Nicolas Pariser en même temps que la maladie qui frappe son personnage principal, le maire de Lyon (Fabrice Luchini). Vidé, sans aucun nouvelle idée pour sa ville, on décide de lui adjoindre une jeune et brillante philosophe (Anaïs Demoustier). Aussi drôle qu’intelligent, filmé comme un ballet de paroles, Alice et le Maire orchestre un long dialogue entre les deux êtres pour tenter de conjuguer à nouveau la pensée et l’action.
Les Poings dans les poches de Marco Bellocchio (1965)
Dès sa sortie, le premier long métrage de Marco Bellocchio est considéré comme un coup de maître autant qu’un grand film de révolte sur la société italienne. Acerbe, mordant et glacial, le regard du cinéaste italien fustige tous les piliers de l’Italie conservatrice (notamment la famille et l’Église) et entraîne le cinéma italien vers une radicalisation politique à laquelle se joindront bientôt Pasolini ou Bernardo. Un grand film contestataire qui rompt avec la morale néoréaliste de l’époque.
Esther Kahn d’Arnaud Desplechin (2000)
Œuvre injustement méconnue du cinéaste français, entre le thriller et l’essai cérébral le quatrième film d’Arnaud Desplechin demeure l’un des grands sommets de sa carrière. Loin des briques rougeâtres de Roubaix et des appartements parisiens des premiers ouvrages, le cinéaste s’exporte outre-Manche au sein d’un quartier juif de Londres au XIXe siècle. On y suit Esther Kahn (Summer Phoenix) qui rêve de devenir actrice. Desplechin s’émancipe des codes du film de costume pour mieux embrasser le récit d’apprentissage et livrer un témoignage passionnant sur les forces de la fiction.
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