Si elle était élue présidente, Marine Le Pen annonce qu’elle nommera Nicolas Dupont-Aigan premier ministre. Loin d’être un choix du coeur, cette rupture politique du candidat de Debout La France révèle surtout une impasse électorale.
Cette-fois ci le Rubicon est franchi. Après plusieurs jours de tergiversations, le candidat de Debout la France a annoncé vendredi 28 avril au journal de 20 heures de France 2, qu’il « soutenait » Marine Le Pen pour le second tour de l’élection présidentielle, et qu’il avait passé avec elle un « accord de gouvernement ».
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ce soir, j'ai fait un choix pour l'intérêt supérieur de la Nation et j'appelle les patriotes à en finir avec 30 ans de démission. @France2tv pic.twitter.com/3DOJsHmNaC
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) April 28, 2017
Dans une conférence de presse commune le lendemain, Marine Le Pen s’est réjouie et a déclaré qu’elle nommerait « Nicolas Dupont-Aignan Premier ministre de la France » si elle était élue.
"Présidente de la République, je nommerai @dupontaignan Premier Ministre, avec un gouvernement d'union nationale." #ChoisirLaFrance pic.twitter.com/ozjygzggb7
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) April 29, 2017
Arrivé sixième avec 4,70 % des voix au premier tour de la présidentielle, l’ancien disciple de Philippe Séguin au RPR a justifié cette rupture politique en fustigeant le profil et l’entourage d’Emmanuel Macron.
« Notre pays a vécu cinq ans terribles avec François Hollande. Emmanuel Macron est un Hollande puissance dix, fabriqué par des intérêts financiers, médiatiques, a ainsi expliqué Dupont-Aignan. Tous ceux qui ont échoué en France depuis trente ans sont avec M. Macron »
Lâché par ses lieutenants
Suite à cette décision, Nicolas Dupont-Aignan a été lâché par plusieurs de ses lieutenants dont le vice-président de DLF, Dominique Jamet. Un peu plus tôt dans la matinée, Jamet avait prévenu qu’un appel à voter Marine Le Pen n’était pas envisageable de la part d’un gaulliste.
Nicolas Dupont-Aignan apporte son soutien à Marine Le Pen. Je quitte le parti de Dupont-Aignan.
— dominiquejamet (@dominiquejamet) April 28, 2017
Imagine-t-on le général de Gaulle… s'associant à Jean-Francois Jalkh et Henry de Lesquen pour appeler à voter Marine Le Pen?
— dominiquejamet (@dominiquejamet) April 28, 2017
L’historien Eric Anceau, jusque-là responsable du projet, a lui aussi décidé de claquer la porte du mouvement. « Je renonce ce jour à toutes mes fonctions au sein de Debout la France, a-t-il annoncé sur Twitter. J’expliquerai ma décision lorsque le moment sera venu. Tel n’est pas le cas aujourd’hui ».
Je renonce ce jour à toutes mes fonctions au sein de @DLF_Officiel
— Eric Anceau (@Eric_Anceau) April 28, 2017
Vendredi, le comité national du parti n’était pas parvenu à s’entendre sur le positionnement à adopter une position commune en vue du second tour.
« Je t’aime, moi non plus… »
Longtemps hostile à une alliance avec le FN, Nicolas Dupont-Aignan a échoué à rassembler la famille souverainiste, dispersée depuis le carton du duo De Villiers-Pasqua lors des européennes de 1999.
Depuis que Florian Philippot a impulsé une ligne politique souverainiste au Front national, la question travaille Dupont-Aignan et son parti. Les programmes des deux partis convergent sur plusieurs points nodaux : sortie de l’euro, renégociation des Traités européens et restauration de la souveraineté nationale, lutte contre “l’immigration massive”, “tolérance zéro” en matière de sécurité…
En mars 2012, il avait déclaré dans une interview au Figaro Magazine, qu’il pourrait choisir Marine Le Pen comme Premier ministre s’il était un jour élu. Après son échec à la présidentielle de 2012 (1,79% des voix), le dilemme s’était à nouveau posé. Invité sur Radio Courtoisie en septembre 2012, le président de Debout la République avait évoqué l’éventualité d’un rapprochement avec le FN en déclarant qu’un “jour ou l’autre, il y aura besoin de dialogue [avec le Front national]. Chacun devra peut-être faire un pas.”
À l’époque, ces œillades au FN avait créé de gros remous à l’intérieur de son mouvement et Dupont-Aignan avait été obligé de redressé le tir en adoptant un discours beaucoup plus ferme à l’égard du Front national lors de l’université d’été de son parti, à Dourdan. “Je dis à Marine Le Pen,(…) coupez le cordon avec l’obsession identitaire qui déconsidère votre parti, faites vraiment le ménage, arrêtez de diviser les uns et les autres (…) et alors, nous pourrons commencer à dialoguer”.
« L’éternelle question du Front national »
Mais telle une ritournelle, la question s’est reposée à nouveau à l’issue de la victoire du Front national aux élections européennes de 2014 (24 élus pour le FN contre 0 pour le parti Debout La République).
A l’issue d’un conseil national du parti, Laurent Pinsolle, ex-porte-parole du mouvement, annonçait son départ. Dans un long billet de blog, il explique les raisons de ce divorce et pointe du doigt l’ambiguïté de son parti vis-à-vis du FN :
« Si je suis en accord avec la ligne ‘ni système, ni extrême’, le problème est que ce n’est pas la ligne que nous suivons depuis plus de 2 ans puisque si DLR porte des coups durs contre le PS et l’UMP, il n’y a que très peu de coups portés contre le FN, quand ce ne sont pas des propos évoquant une certaine proximité. Or si l’on est ‘ni système, ni extrême’, on se situe théoriquement à équidistance des deux, ce qui correspond d’ailleurs à ce que je pense et écrit sur mon blog. Malheureusement, ce n’est pas la ligne qui est choisie. A priori, je ne pense pas qu’un rapprochement avec le parti de la famille Le Pen soit possible (si j’avais des doutes forts, je serais parti immédiatement), mais je commence à me demander jusqu’où pourrait bien mener cette ambiguité et ce relatif refus de le critiquer dans la dynamique actuelle. Pire, je pense que cette indulgence a une part de responsabilité dans le niveau actuel du FN. »
« C’est la danse du ventre avec lui »
Si Marine Le Pen a aujourd’hui beau jeu de se réjouir de ce ralliement, elle a longtemps tancé le manque de courage politique de Nicolas Dupont-Aignan. “Toutes ces rencontres que j’ai avec lui n’ont servi à rien, regrettait-t-elle dans une interview aux Inrockuptibles en 2013. Il y a quelques mois encore, je l’ai croisé au Bourbon près de l’Assemblée nationale alors que je déjeunais avec Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard. Il me salue et nous envisageons de nous revoir prochainement. Avant de partir, je lui dis : ‘On se voit bientôt ? Je souhaite une réponse nette’. Il me répond ‘oui, oui’ mais la rencontre n’a finalement pas eu lieu. C’est la danse du ventre avec lui”.
Lors des législatives de 2012, la présidente du FN racontait notamment l’avoir appelé pour lui proposer de ne pas mettre de candidat frontiste face à lui. Craignant les retombées médiatiques de cette décision, Nicolas Dupont-Aignan lui aurait alors répondu : “Si,si, surtout faites-le. Moi-même, je vais mettre un candidat contre vous à Hénin-Beaumont”.
L’impasse de Dupont Aignan
Si Nicolas Dupont Aignan a finalement vaincu ses dernières réticences, c’est sans doute parce que son parti est dans une impasse électorale. Malgré un durcissement de son programme sur l’immigration et une ligne souverainiste quasi identique, le leader de Debout la France n’est pas parvenu à siphonner les voix du Front national. Pire que cela avec 4,70% des voix, il a échoué une fois de plus à obtenir le remboursement de ses frais de campagne.
Comme un symbole, quelques heures avant son ralliement, une autre gaulliste historique avait rejoint Marine Le Pen en la personne de Marie-France Garaud. Adulée par les milieux souverainistes, l’ex-conseillère de Jacques Chirac qui avait inspiré l’appel de Cochin avait annoncé qu’elle voterait FN au second tour. Oubliant comme Dupont-Aignan quelques heures plus tard, la fameuse formule gaulliste d’Alain Juppé à propos du FN : « Entre eux et nous, il y aura toujours une Croix de Lorraine ».
{"type":"Banniere-Basse"}