À deux semaines du début du Festival de Cannes, les dernières retouches apportées à la sélection ont fait l’effet d’une petite bombe avec la sélection de “Salam”, un documentaire sur la vie de Diam’s, réalisé à six mains par Mélanie Georgiades alias Diam’s, Houda Benyamina, réalisatrice de “Divines”, et Anne Cissé, scénariste sur “Lupin” et “Vampires”. Cette annonce vient combler un triple vide.
Elle vient tout d’abord rompre un silence médiatique vieux de sept ans depuis la sortie en 2015 de Mélanie, française et musulmane, second livre de Diam’s après Autobiographie (2012). Dans un message posté sur Instagram (le seul publié sur son compte), la rappeuse motive son désir de cinéma : “Pendant des années, on a frappé à ma porte me demandant l’autorisation de mettre ma vie en scène […] J’ai été touchée que l’on s’intéresse à mon parcours mais il m’était impossible de laisser parler des inconnus à ma place… Alors j’ai repris la plume. Trouver les mots justes ne fut pas chose facile. Et puis il me fallait des images… […] Salam m’a offert de raconter, avec ma vision, mes émotions, mes mots, ce que j’appelle : ma vérité.”
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La seconde absence, plus anecdotique, que cette annonce réfute est celle des films de pure plate-forme en sélection officielle. Car s’il y a bien Irma Vep, la série d’Olivier Assayas produite par la chaîne HBO, aucun film produit par Netflix ou Amazon n’a trouvé le chemin du tapis rouge, contrairement à Salam, qui sera a priori diffusé en streaming sur BrutX, la plateforme du média en ligne qui inaugure cette année, à l’instar de TikTok, un partenariat avec le festival.
Parcours
Mais le vide le plus saillant que Salam promet de combler est celui du quasi-silence (excepté le titre catastrophiste d’OrelSan, L’Odeur de l’essence) de l’industrie musicale française lors de la campagne présidentielle. Si ce festival post-Covid-19 prévoit d’être la chambre d’écho de la guerre en Ukraine, avec la sélection de deux auteurs ukrainiens et du cinéaste russe dissident Kirill Serebrennikov, le retour de l’interprète de Ma France à moi est la promesse d’une parole politique franco-française à peine remise d’un vote barrage contre l’extrême qui, de 2002 à 2022, en passant par 2017, menace de plus en plus de céder.
Car au-delà de son parcours personnel et d’un film qui sera centré d’après la rappeuse sur “[sa] dépression, [ses] souffrances, [sa] quête, [sa] renaissance”, Diam’s incarne encore aujourd’hui une lutte farouche contre l’extrême droite. Si montée des marches il y a, elle promet d’être l’une des images fortes du festival. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la réaction qu’avait suscitée chez la finaliste de l’élection présidentielle la reprise il y a tout juste un an du titre Marine par Camélia Jordana, Amel Bent et Vitaa. Stigmatisant sa conversion à l’Islam, Marine Le Pen avait fanfaronné : “Diam’s, elle a chanté cette chanson puis après elle est partie. Elle s’est mise un voile et elle est partie en Arabie Saoudite. Donc si vous voulez, ça ne lui a pas trop réussi…” Et bien non, elle est de retour et on espère qu’elle emmerde autant le Rassemblement que le Front national.
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