Il fit de l’autodestruction un art, puis la grève de l’art. Première rétrospective en France consacrée à Gustav Metzger, artiste écolo-punk avant tout le monde.
A 85 ans, Gustav Metzger est un artiste qui se fait rare. Mais il l’a toujours été. Une de ses actions les plus représentatives fut ainsi “la grève de l’art”, qu’il mena de 1977 à 1980 en cessant de produire des pièces, pour résister à la marchandisation croissante des oeuvres.
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Ces années sans art avaient donc valeur de manifeste et, ainsi qu’il le confie dans le catalogue, “le principe était d’appeler les artistes à être très actifs dans la compréhension de la marche du monde, et plus spécifiquement du monde de l’art”. Gustav Metzger en a profité pour devenir historien de l’art, un spécialiste de Vermeer, convaincu que ces études feraient de lui un meilleur peintre.
Voilà un artiste qui dit ce qu’il fait et qui fait ce qu’il dit, d’une force de conviction et d’une honnêteté revigorantes à une époque où l’art s’affaire dans le business. Dès 1944, rescapé du nazisme, il était de toute façon résolu à “utiliser toute sa vie, y compris son art, pour changer le monde, changer la société”. Or cela passait pour lui par la pratique d’un art “autodestructif”, dont les accents pessimistes renvoient aux menaces nucléaires qui pèsent alors.
A Rochechouart, un film montre l’artiste, masque à gaz sur la tête, peindre une toile de nylon blanc à petits coups d’acide : le support se délite, se déchire et il n’en reste bientôt plus rien. Dans une autre salle, quatre arbres sont plantés à l’envers, racines à nu et en l’air, dans une dalle de béton. Ailleurs, une pauvre plante dans un caisson de Plexiglas se meurt, asphyxiée par les gaz d’échappement d’une voiture. No future…
Quand Pete Townshend des Who fracasse sa guitare en plein concert, c’est sur l’arrière- plan d’une projection lumineuse de Metzger, faite de cristaux liquides et de filtres colorés. Cette oeuvre, reprise dans l’expo, est le pendant optimiste d’un travail qui n’en finit pas de se dévorer. Des images mises en scène nous tirent de manière abrupte.
En fait, devant certaines, on ne voit rien. L’une, notamment, est scellée entre deux plaques d’acier. Seul l’intitulé en révèle le contenu : Hitler passe en revue les jeunes nazis. Toute la série des Historic Photographs vise ainsi à redonner un impact presque terrifiant, une épaisseur brute à des images vues et revues, diluées dans le déferlement médiatique. Les piles de journaux entassées à côté redonnent aussi du poids, de manière littérale, à l’information : Metzger les archive tous chez lui, comme une énorme masse qu’il faut saisir à bras le corps.
Son attitude critique face au monde (de l’art) a pris plus récemment la forme d’une campagne incitant le milieu de l’art, pris lui aussi dans une économie destructrice et dispendieuse, à moins prendre l’avion : Reduce Art Flights.
Photo : Gustav Metzger, Kills the cars, 1996. Réactivation de 2009 crédit photo : David Bordes
Gustav Metzger – Décennies 1959-2009 Jusqu’au 15 juin au musée départemental d’Art contemporain, Rochechouart (87), tél. 05.55.03.77.91 /// www.musee-rochechouart.com
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