Du 22 au 30 avril 2017, quatre ans après le drame du Rana Plaza au Bangladesh, la Fashion Revolution Week donne la parole aux acteurs de la mode éthique et écologique. Au programme : débats, expositions, ateliers et actions de sensibilisation. Savons-nous réellement qui fabrique nos vêtements ?
Le 24 avril 2013, les images du Rana Plaza font le tour du monde. L’effondrement de cet atelier de confection textile à Dacca, capitale du Bangladesh, cause la mort de 1 133 personnes et en blesse grièvement 2 500. Une catastrophe à l’image de cette industrie de la fast-fashion, adepte du “vite fait mal fait”, y compris lorsqu’il s’agit du salaire et de la sécurité de ses employés.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Chaque année depuis, à la date anniversaire de cette catastrophe, 92 pays célèbrent la Fashion Revolution Week. Durant cette semaine, instaurée par la créatrice de mode engagée Carry Somers, designers, ONG, étudiants d’écoles de mode, journalistes se rassemblent et s’interrogent sur l’histoire des vêtements que nous portons. L’objectif ? Sensibiliser consommateurs et pouvoirs publics, exiger la transparence des marques et surtout, montrer que la mode responsable n’est pas une utopie. A Paris, les premiers rassemblements ont eu lieu samedi dernier, dans le dixième arrondissement.
Questionner, sensibiliser, partager
« Who made my clothes ?« . Ces lettres géantes flottent sur l’eau du canal Saint-Martin. Le samedi 22 avril dans l’après-midi, tables rondes et enregistrements d’émissions de radio étaient organisés rue Jean-Poulmarch, non loin du canal. Sébastien Kopp, co-créateur avec François-Ghislain Morillon de la marque Veja et du concept store Centre Commercial y était, pour évoquer, entres autres, la tendance du greenwashing.
A ses yeux, cette Fashion Revolution Week n’a pas pour ambition « de convaincre, de lutter pour vendre« , que cela soit une idéologie ou un produit. Lui veut simplement partager son expérience, et donner à voir la valeur ajoutée de la transparence. Il raconte ses débuts : « Lorsqu’on a créé Veja, on n’avait pas la prétention de penser qu’on allait changer le monde à notre humble échelle. On voulait juste de faire en sorte que les gens avec qui on allait travailler, au Brésil notamment, puissent vivre dignement. Et on s’est rendu compte que localement, l’impact est énorme : si ces petits producteurs sont payés décemment, ils ont moins tendance à se tourner vers l’élevage de bétail qui implique une déforestation des terres« . Sébastien est formel : les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Il déplore une société « un peu malade« , où la communication et la publicité ont pris le dessus sur le réel. « Aujourd’hui les gens sont plus intéressés de savoir si Kanye West ou Michael Jordan portent les mêmes sneakers qu’eux plutôt que de savoir où et par qui elles ont été fabriquées« .
Mais ce jeune entrepreneur, d’un naturel très optimiste, explique faire confiance à cette conscience collective qui se met en place, lentement mais surement. « Ce n’est pas une histoire de style d’être écolo, c’est une question de bon sens. » Plein de bon sens, les consommateurs, certes. Mais comment faire la différence entre une marque sincère et une qui passe un coup de vernis vert sur son logo pour avoir l’air irréprochable ? Sébastien Kopp n’est pas inquiet. « Il ne faut pas sous-estimer le public, il est super avisé, super informé. Dès qu’une marque fait un pas de travers, au moindre scandale, l’information est relayée très vite. Les marques peuvent prendre le risque d’adopter un discours responsable, si ce n’est pas sincère ça se retournera bien vite contre elles. »
Sakina M’sa, créatrice engagée et fondatrice de la maison de couture « désirable, durable, responsable » qui porte son nom, voit le verre à moitié plein, elle aussi.
« Là, pendant la Fashion Revolution Week, c’est le cœur de l’écosystème de la mode qui bat au même rythme partout. Je crois beaucoup à l’énergie du groupe et le fait que tous ces gens se réunissent, à Paris, en province, dans le monde entier, au même moment, c’est extraordinaire. »
Selon elle, ces mobilisations véhiculent un vrai message d’espoir. L’industrie de la mode passe un cap important. « Si tous les petits labels qui se rassemblent et prennent la parole cette semaine n’ont pas la force de frappe des gros groupes, ils ont le mérite d’avoir été les pionniers. Et aujourd’hui, des entreprises comme Kering suivent le mouvement. L’impossible est en train d’avoir lieu. »
Remettre de l’humain
Tous deux se rejoignent sur un point essentiel : il faut redonner impérativement une dimension humaine à cette industrie, mettre des visages sur les vêtements que nous achetons. Pour cela, Sakina a choisi d’organiser un atelier dans sa boutique Front de Mode, afin de mettre en lumière les ouvrières qui travaillent à ses côtés. Elles qui sont trop souvent derrière le rideau, « trop peu valorisées« .
Sébastien Kopp et Sakina M’sa sont la preuve qu’il existe des modèles successful autres que la fast fashion et la production de vêtements en quantités vertigineuses. Pas une seule vérité, mais de nombreuses options : chez Centre Commercial, 25 marques sont distribuées, avec chacune un engagement différent. Fabriquer en France, utiliser des matériaux écologiques, donner du travail à ceux qui en ont besoin… Difficile d’être parfait sur tous les points. Sébastien résume : « Il ne faut pas avoir peur d’exposer ses limites. Nos lacets, on n’arrive pas encore à les produire de la manière qu’on voudrait. Et on le dit, je crois que ça qui est important. Etre honnête. »
Fashion Revolution Week, du 22 au 30 avril 2017. Programme disponible ici.
{"type":"Banniere-Basse"}