Avec “La Colline où rugissent les lionnes”, Luàna Bajrami, actrice-réalisatrice de 21 ans, dresse un portrait solaire de la jeunesse d’un pays qu’elle a dû quitter enfant.
Dans le paysage très identifié et parfois balisé du film de jeunes filles, il y a les films coupés en deux. Leur première partie est souvent réaliste, et consiste à circonscrire l’horizon limité d’héroïnes à la limite de faire une connerie. La deuxième partie les montre en général en train de faire cette connerie, à l’aune du cinéma de genre. C’est, par exemple, le programme de Spring Breakers, d’Harmony Korine, celui de Bling Ring de Sofia Coppola.
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Disons-le tout de suite, ce deuxième mouvement n’est pas ce qu’il y a de plus réussi dans le premier long métrage de Luàna Bajrami (actrice à la beauté pensive, révélée par Sébastien Marnier dans L’Origine du mal et Céline Sciamma dans Portrait de la jeune fille en feu). Soudain, alors qu’elle tient fermement les rênes de ce teen-movie solaire, tourné au Kosovo, son pays d’origine, la primo-réalisatrice disparaît derrière un simili film de hold-up, ni fait ni à faire. Autour de la table de montage, tout le monde semble s’être endormi.
Dommage car le film, sa première heure donc, est vraiment bien. Et même formidable. En décrivant les tribulations de trois copines joyeusement désœuvrées, Bajrami prouve qu’elle sait déjà, à 21 ans à peine, capter l’expressive intensité des corps et des visages. Ces filles sont des déesses, des “lionnes”. Des battantes issues d’une génération toute neuve, des meufs tout en muscles, guerrières en mini-short – mais privées, hélas, de combat.
État des lieux
Voilà tout le problème de ce pays, son pays, que la jeune cinéaste, en France depuis l’âge de sept ans, brosse à coups de montagnes majestueuses mais vides, de piscines désaffectées, de maisons figées en chantier, de forêts foutues, défigurées par les ordures… La cinéaste connaît sur le bout des doigts cette géographie, et elle la montre sous un jour impitoyable. En dressant, en filigrane, un état des lieux désolant de ses institutions (les trois héroïnes exclues sans raison du processus d’admission à la fac) et de la famille (adultes abusifs à tous les étages).
De ce pays-martyre qui n’a longtemps été pour les occidentaux qu’associé à des images de guerre, Luàna Bajrami sonde les beautés et les malédictions, sociales et économiques. Le sexisme, bien sûr, aussi. Pour lutter, elle se rallie aux forces de son gang de filles (elle-même y joue un rôle), et constitue une armée – elle et ses lionnes –, en espérant sans doute pouvoir un jour faire bouger les choses, par-delà la fiction.
La Colline où rugissent les lionnes de Luàna Bajrami en salle le 27 avril
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