Dans un clip vidéo accompagné du slogan « #ForgeonsNosOpinions », YouTube met en avant le côté politique de sa plateforme et la diversité d’opinion qu’on y trouve. De son côté, Snapchat reçoit les candidats présidentiels pour des story décalées. Les sites et applis de vidéo sont-ils devenus les nouveaux canaux de politisation ?
« Oui, bien sûr !« , « Non !« , « Oui oui oui oui oui !, « Nooooon !« . En l’espace de deux secondes, Nathalie Arthaud, Jacques Cheminade, Jean Lassalle et François Asselineau se coupent la parole. Toute la cacophonie du débat politique actuel reproduite par la magie du montage dans ces deux petites secondes. Mais très vite, l’enchaînement de plans remplace les têtes présidentiables et chaînes de télévision par d’autres visages, pour certains tout aussi connus et tout aussi politisés. John Rachid, Nota Bene, Didi Chandouidoui et même EnjoyPhoenix expriment à leur tour leur accord ou désaccord. « C’est en découvrant d’autres opinions qu’on fait avancer le débat. #ForgeonsNosOpinions« , finit par affirmer le clip.
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« Nous souhaitions montrer une grande quantité de contenu, alors nous avons fait une première sélection, que nous avons affinée pour faire rentrer tout le monde dans ce format. En mélangeant des personnalités politiques, des médias traditionnels et des créateurs sur internet, nous avons voulu exprimer la grande diversité de contenus que l’on peut trouver sur YouTube, dans une période où les contenus politiques ont un grand succès sur la plateforme. Les débats télévisés retransmis sur YouTube culminent par exemple à plus de deux millions de vues », explique le service relation presse de YouTube.
Une campagne qui divise
En sous-texte, YouTube revendique bien que le vrai débat d’idée se trouve sur sa plateforme. Mais malgré un nombre important de vues, la vidéo n’a pas vraiment intéressé. Seul un peu plus d’un tiers des utilisateurs de YouTube ont apprécié le gloubiboulga effréné de tirades tirées de leur contexte que le site de vidéo américain a choisi pour illustrer sa campagne de promotion sur le thème du débat de et la politique.
Nous sommes donc allés poser la question à des utilisateurs réguliers de YouTube, pour avoir leur avis sur le clip en lui même et en savoir plus sur ce que YouTube leur apporte politiquement. Parmi eux, Bastien, séduit par une initiative qu’il estime adaptée pour séduire un jeune public :
« Je trouve le message important. Il pousse à découvrir d’autres choses et à ne pas s’arrêter à une vidéo ou à la pensée d’un seul youtubeur, en regroupant des youtubeurs sérieux et d’autres qui n’ont rien à voir avec la politique.« .
De ceux que nous avons interrogés sur le sujet, Bastien est le seul à être tombé sur le clip en question, proposé à la place des habituelles publicités de YouTube. A l’inverse de Rémi, qui la découvre pour nous, et se méfie tout de suite de son aspect publicitaire :
« En sélectionnant arbitrairement des youtubeurs dans ses spots, YouTube refait apparaître l’ombre de la multinationale qu’il y a derrière, et forcément d’une certaine forme de censure. Ce n’est pas à YouTube de déterminer quelle opinion doit être représentée ou non« .
Un avis que partage également Eléonore, interloquée par la présence de youtubeuse beauté/lifestyle.
Lutter contre le « tous pourris »
Dans la liste des trente heureux élus présents dans la vidéo, il est une chaîne qui semble toute trouvée pour questionner l’importance et l’appréciation des sujets politiques sur YouTube : Les Indécis. Lancée spécifiquement en vue des élections par le journaliste Alex Darmon, accompagné d’Hugo Marchand de la chaîne Lolywood, la chaîne reçoit dans chaque vidéo une personnalité politique, avec l’envie d’aller parler d’abord aux jeunes, et plus globalement à tous ceux que le marasme ambiant laisse encore perplexes:
« Quand on s’est rencontré un peu par hasard avec Hugo et le producteur de la boîte Des Mecs Sérieux, on a parlé de politique. Et on s’est rendu compte qu’on ne savait pas pour qui on allait voter. J’ai 29 ans, et c’est la première fois qu’à même pas une semaine de l’élection, je ne sais pas pour qui voter. » Alex Darmon
Lui qui est passé par Public Sénat et travaille aujourd’hui pour CNews connaît bien la façon dont la politique est traitée à la télévision. Et voit sur YouTube la possibilité de l’aborder différemment. Avec la liberté pour credo:
« On vit un peu sur internet ce que nos parents ont connu avec les radios libres. On est moins contrôlés que dans une rédaction traditionnelle. L’éclatement des idées, la confrontation de point de vue, c’est la richesse de YouTube« .
Un même traitement pour intéresser, mais aussi lutter contre
Dans les vidéos des Indécis, chaque candidat bénéficie du même traitement, et ce quelque soit son étiquette: « Rendre quelqu’un sympathique, c’est donner aux gens envie d’aller voir son programme plus en détail. Même les politiques avec lesquels on n’est pas forcément d’accord. Lutter contre, ça doit passer par les recevoir et les traiter de la même façon que les autres. C’est comme ça qu’on lutte contre le désamour des gens pour la politique. Et ce n’est pas toujours ce qui se passe à la télévision. »
La variété du casting du clip proposé par YouTube le séduit. Le sourire aux lèvres, il en aurait même bien demandé plus:
« C’est bien de représenter tout le monde. YouTube aurait même pu mettre encore plus de contenus différents en avant. Tout ce qui est fait pour intéresser les jeunes à la politique est important. Aujourd’hui, seulement 50% des jeunes vont voter. Donc si un jeune qui n’a pas l’habitude de s’intéresser à la politique voit EnjoyPhoenix dans ce clip et décide de s’intéresser ensuite à ce qui se passe politiquement, et bien c’est positif.« .
Les chaînes politiques traditionnelles plus en vue que le reste
Si les émissions politiques animées par des vidéastes sur YouTube sont aujourd’hui légion et rencontrent même un certain succès, comme celles d’Usul ou de Bonjour Tristesse, les contenus politiques les plus cités par les utilisateurs que nous avons interrogés restent encore les extraits d’émission de télévision partagés en ligne, ou les Youtubeurs qui abordent les sujets d’actualité.
Les chaînes animées par une personnalité politique ne sont pas en reste, comme celle de Jean-Luc Mélenchon pour Loïs : « Quand je vois le travail de Mélenchon sur le numérique, ça a un peu aidé à ce que je me rapproche de lui plutôt que d’Hamon par exemple. Je me dis qu’il a compris qu’il y avait un public à reconquérir sur Internet. Après, on partage ou pas ses convictions politiques, c’est autre chose.« .
#RenforçonsNosOpinions ?
Plus que les émissions politiques, ce serait donc la possibilité d’accéder à tous les points de vue rapidement sur la même plateforme qui séduirait les amateurs de politiques sur YouTube. En cela, le slogan “#ForgeonsNosOpinions” correspondrait à une certaine réalité Mais est-ce que les multiples points de vue et la liberté d’expression sur YouTube peut faire changer un utilisateur d’avis ? En ça, Antoine est assez sceptique à propos de YouTube, qui ne serait pas un lieu de débat. Mais qui répondrait à un problème que les médias traditionnels ne parviennent pas à résoudre :
« Je pense que la majorité des gens se contentent des médias qui véhiculent les idées qu’ils ont eux-mêmes, et ne vont pas chercher plus loin. Sur YouTube, c’est peut-être différent. Ce qui ne veut pas forcément dire qu’on va changer ses opinions mais au moins, peut-être ouvrir son esprit et chercher à se remettre en cause.« .
Comme le relèvent les utilisateurs, la majorité des émissions politiques sur YouTube représentées dans le clip sont également partisanes, de façon assumée ou non. Il peut apparaître que YouTube est parfois plus un outil pour renforcer ses opinions que pour en découvrir ou en accepter de nouvelles, bien que de nombreux vidéastes tentent de faire des ponts entre les différents points de vue. Comme le dit Rémi, « YouTube m’a surtout permis de renforcer mes argumentations, et d’avoir également à portée de main des sources solides.« . #RenforçonsNosOpinions ?
Snapchat et ses story spéciale présidentielle
YouTube n’est pas le seul média à vouloir donner une autre image de la politique en utilisant la vidéo. Cette semaine, Benoît Hamon, Marine Le Pen, François Fillon et Emmanuel Macron se sont exprimés sur… Snapchat. Une initiative proposée par le réseau social, dans la continuité de son implication de plus en plus importante dans le domaine de la politique, après avoir adapté son système de story à des médias d’information comme Vice ou Le Monde.
Quel candidat à la Présidentielle est le moins ridicule sur Snapchat ?
Fillon/Hamon/LePen/Macron ?#Presidentielle2017 pic.twitter.com/OBIqwQBQN7— Alex Tran 🇻🇳 | 📍 Lille (@Futalors) April 19, 2017
Sur Snapchat, les candidats répondent à des questions posées par des étudiants d’un peu partout en France, triées pour l’occasion. Des questions simples, sur des points de programme, mais aussi quelques trolls inoffensifs qui donnent à Emmanuel Macron l’occasion de donner des conseils en séduction, ou à Marine Le Pen de chanter Dalida. Une entreprise de séduction destinée aux jeunes, pour donner un côté plus sympathique à la politique. Et si quelques séquences auraient leur place sur Malaise TV, l’opération est un succès et de nombreux extraits de ces vidéos ont massivement circulé sur les réseaux sociaux.
Deux démarches opposées
Mais contrairement à YouTube, Snapchat ne se donne pas pour vocation d’exprimer une pluralité d’opinion propice au débat. Sur les 11 candidats, seuls cinq ont été contactés, pour des raisons de logistique. Et comme Jean-Luc Mélenchon n’a pas pu se prêter au jeu à cause de son calendrier, Snapchat n’a finalement donné la parole qu’au tiers des candidats. A l’image du fonctionnement de ses story média, qui préfèrent proposer un titre de presse par domaine d’information, plutôt qu’un panel qui pourrait représenter tous les points de vue (L’Equipe pour le sport, Le Monde pour l’information générale…). En revanche, si les chaînes YouTube des personnalités politiques sont gérées par les équipes de ces derniers, les story dédiées à la présidentielle ont été tournées dans les QG de campagne des candidats, mais filmées et montées par l’équipe de Snapchat.
https://twitter.com/franceinfoplus/status/855451821086658561
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