Fake friends got nothing to do with my world” (“Les faux amis n’ont rien à voir avec mon monde”), annonce Sage Francis sur Midgets and Giants.
Il est des artistes qui tracent leur route en ne se souciant ni des conseils des faux amis ni des guides de voyages. Dans quelques années, on se rendra même compte que certains ont carrément inventé des paysages à eux seuls.
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Avec ce quatrième album – si l’on concentre sa discographie sur ses seules productions originales –, Sage Francis parvient à la parfaite cohérence d’un hip-hop intimiste de haute volée, qui semble avoir reconnu sa vraie famille en allant poser une gerbe sur la tombe des héros de la musique folk à l’américaine. Affilié au hip-hop underground américain depuis un premier album paru sur le label indépendant californien Anticon en 2002, Paul Francis est désormais tout autant un bluesman du troisième type, un rappeur qui remet en cause les acquis de la musique américaine album après album : son deuxième, sous le nom de Non Prophets, fut le dernier pour Anticon, qu’il quittera pour signer chez le gros indépendant Epitaph, y débutant avec le brûlot A Healthy Distrust en 2005.
Diplômé en communications et en journalisme, ce malade des mots les fait souffrir afin d’extirper le meilleur de chacun de ceux qu’il sélectionne dans ses rimes quand il prend son patronyme de Sage Francis. A cette obsession du verbe s’ajoute une conscience politique presque désuète dans le paysage musical américain, qui le rapproche plus de Neil Young que de Timbaland. La grande réussite de son Human the Death Dance est donc de parvenir à une parfaite cohabitation entre des beats taillés par des spécialistes de cette orfèvrerie (Alias, Sixtoo, Odd Nosdam de Clouddead) et une approche traditionnelle d’instruments naturels (guitare, piano, harmonica…).
Sage Francis n’oublie pas ses premières amours, et donne sa version de l’histoire du hip-hop ainsi qu’un récit des déceptions de ses débuts dans Underground for Dummies. Victime de plusieurs vols lors de sa dernière tournée européenne, séparé de sa relation qu’il considérait comme l’amour de sa vie, le Sage Francis qui se battait contre le monde est désormais aussi celui qui doit se relever, se battre contre ses démons et ses incertitudes. Du coup, il a réussi à élever son niveau d’écriture en utilisant de magnifiques métaphores, comme sur Going back to Rehab, où il décrit un rapport à une sale addiction, ou Black Out on White Night, où il évoque sa séparation douloureuse. En sortant son meilleur album à ce jour, Sage Francis donne non seulement un bon coup de plumeau qui dépoussière le hip-hop, mais profite surtout de l’aubaine pour monter un échafaudage et le repeindre du sol au plafond.
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