L’écrivain et critique américain délivre une série de portraits dont la forme comme le fond questionnent la fluidité des identités et identifications. Jusqu’à celle du désir, d’être soi et d’être aimé·e.
Journaliste et critique pour l’hebdomadaire The New Yorker, Hilton Als fait partie de ces figures américaines qui ont transformé leur journalisme pour l’emmener vers la littérature. Recueil de portraits et d’essais, White Girls fait ainsi songer, par échos, aux livres de non-fiction de Joan Didion, l’un des modèles vénérés de Hilton Als, centrale dans sa pensée et son écriture.
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Als lui emprunte un certain détachement, mais aussi une présence au cœur du récit : comme elle, il est tout autant acteur et sujet de ses textes qu’auteur. Didion n’est pas la seule à le hanter : White Girls ravive la mémoire de livres comme Le Gauchisme de Park Avenue de Tom Wolfe, qui disait, en reprenant des articles de magazines, quelque chose de la société new-yorkaise du début des années 1970, ou encore Les chiens aboient de Truman Capote, qui faisait à peu près la même chose pour les deux décennies précédentes.
Les ambiguïtés de chacun·e
White Girls raconte, lui, des éléments de l’Amérique des années 2010 et 2020, obnubilée par des figures queer qu’Als regroupe sous l’appellation de white girls – des filles blanches. Mais celles-ci sont souvent tout sauf cela : il s’agit plutôt ici de Michael Jackson, Jean-Michel Basquiat, André Leon Talley (qui présida longtemps à la direction artistique de la version américaine du magazine Vogue)… Des hommes, des garçons, mais aussi quelques femmes : l’actrice Louise Brooks, l’écrivaine Flannery O’Connor.
Als fait leur portrait en s’attaquant aux ambiguïtés de leur identité, de leur genre et de leur sexualité. “Truman Capote est devenu une femme en 1947”, écrit-il en ouverture du chapitre consacré à cet écrivain. Ailleurs, il se met à la place de Louise Brooks et écrit comme s’il était devenu elle : “Je suis Louise Brooks qu’aucun homme ne possédera jamais.” Et lorsqu’il disserte à propos de l’acteur oublié Buddy Ebsen, il attaque directement : “Ce sont les pédés qui m’ont fait.”
Un désir qui semble muter
Als admire et s’identifie, décortique. Il cherche à capter ce qui fait le désir et comment il vous transforme. Et, à force de se confronter aux autres, finit par se confondre avec elles et eux. Qui se présente véritablement devant nous ? L’identité est bien la question qui sous-tend le livre, tout comme celle du désir. Qui êtes-vous, que désirez-vous et comment votre désir sculpte-t-il ce que vous voulez être ?
Le désir d’être aimé est présent partout, tout comme celui de se métamorphoser avec l’autre
Le tout premier texte du livre est consacré à l’amitié amoureuse d’Als avec une figure qu’il ne nomme jamais explicitement, mais autour de laquelle une grande partie de ses attentes amoureuses, sociales, amicales se cristallisent. Le désir d’être aimé est présent partout, tout comme celui de se métamorphoser avec l’autre. Un désir qui semble muter selon les figures à propos desquelles Als écrit. C’est précisément cette mutation permanente, et la transformation de l’auteur selon son sujet, qui fait la puissance du livre et lui confère une grande place dans la modernité, entre le flou des identités mouvantes et l’ambiguïté des désirs.
White Girls de Hilton Als (Éditions de l’Olivier), traduit de l’anglais (États-Unis) par Clélia Laventure, 432 p., 23 €. En librairie.
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