Le documentaire de Tom Di Cillo, When you’re strange, va peut-être rendre justice aux Doors, à leur blues-rock hanté, à leur fantomatique aura, à leur importance fondamentale dans l’histoire du rock. Extrait en exclusivité avant la sortie en salles le 9 juin.
Par un de ces twists tordus dont la passion du rock a le secret, les Doors souffrent parfois d’une réputation exécrable. Le culte morbide et parfois ridicule que vouent des millions de fans au chanteur Jim Morrison y est sans doute pour quelque chose. La fiction lourdingue et frisant le grotesque que le réalisateur Oliver Stone avait consacré au groupe (The Doors, 1991) n’a probablement pas arrangé les choses. Les Doors ont fini par se confondre avec leur légende, souvent pour le pire.
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Le documentaire de Tom Di Cillo, When you’re strange, va peut-être rendre justice aux Doors, à leur blues-rock hanté, à leur fantomatique aura, à leur importance fondamentale dans l’histoire du rock.
When you’re strange est exclusivement composé d’images d’archives (c’est sa belle étrangeté) commentées par un texte de Di Cillo lu en voix off par Johnny Depp. La majorité de cette matière est inédite. On y voit par exemple une sorte de western métaphysique à la Monte Hellman, réalisé par Morrison, avec lui-même dans le rôle d’un cowboy-routard motorisé, errant dans le désert Mojave.
On voit aussi les premières répètes et les premiers concerts, qui rappellent qu’avant le culte rimbaldo-gonflant, avant la tombe du Père-Lachaise recouverte d’objets divers et maculée de tags, les Doors étaient un fumant groupe de rock, inventif, sauvage et sexy. Outre leur inspiration mélodique, ils se distinguaient par la prééminence de l’orgue, l’absence de basse et la voix sépulcrale de leur chanteur – qui n’est pas tombée dans l’oreille de sourds, n’est-ce pas Ian McCullouch, Ian Curtis, Bono, etc ?!
Une large part du doc est consacrée à l’affaire de Miami : lors d’un concert dans la cité floridienne, Morrison fit mine de se masturber, choquant l’Amérique prude, déclenchant les foudres des autorités et des ligues de bienséance. Les Doors furent interdits, et Morrison poursuivi en justice. Le chanteur est mort avant l’issu du procès.
When you’re strange saisit bien le paradoxe Morrison, beau et charismatique jeune homme, rapidement détruit par la célébrité, l’alcool, les drogues : d’abord atout principal des Doors (il écrit et compose, chante, incarne le groupe sur scène), il finit par devenir un boulet (défoncé, bouffi, il est toujours en retard aux séances d’enregistrement, agace les autres membres du groupe…).
Les Doors ont duré cinq ans, gravé trois ou quatre albums inoxydables (The Doors, Strange days, Morrison hotel, LA woman), inventé des chansons qui n’ont pas pris une ride (Light my fire, Crystal ship, You’re lost little girl, Love me, LA woman, The end…), imposé des singles radio de plus de 3 minutes. Ils étaient le Velvet de la côte ouest, n’ont jamais fait de compromis et sont restés droits dans les bottes de leur ligne esthétique tout au long de leur existence.
Comme le conclut le film de Di Cillo, leurs chansons n’ont jamais été recyclées dans des clips publicitaires – ce qui est devenu en effet une exception. Inspirés, sexys, mystérieux, populaires, incorruptibles, oui, il est temps de rechanter les louanges des Doors et de réouvrir les portes de la perception.
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