Le limogeage surprise de Steve Bannon, le conseil ultra-droitier, nationaliste et populiste de Donald Trump ouvre une période d’incertitude à la Maison Blanche. A quoi dont-on s’attendre ?
Le couperet est finalement tombé, le 18 août dernier. « Le secrétaire général de la Maison Blanche, John Kelly, et Steve Bannon se sont mis d’accord sur le fait qu’aujourd’hui serait le dernier jour de Steve » a déclaré Sarah Huckabee Sanders, porte-parole du bureau du président américain. Bannon, le sulfureux conseiller spécial de Trump, en place depuis son élection en novembre 2016, quitte donc le dernier poste qu’il occupait à la Maison Blanche – le 5 avril, il avait déjà été exfiltré du Conseil de sécurité national.
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Ce départ – le dixième à la Maison Blanche, en sept mois seulement – sonne comme le point final d’une guerre au sommet de l’exécutif américain. Depuis plusieurs mois, elle oppose d’un côté les représentants de la frange la plus nationaliste et conservatrice de l’électorat Trump – symbolisée par l’idéologue Bannon – à ceux qui souhaitent « professionnaliser l’administration » avec en tête le nouveau secrétaire général de la Maison Blanche, John Kelly, nommé le 28 juillet ou le gendre du président, Jared Kushner.
« S’il fallait retenir un élément déclencheur de la perte d’influence de Bannon, ce serait la nomination de Kelly, rappelle Vincent Michelot qui minimise l’influence des événements survenus à Charlotesville (Virginie) dans ce choix. C’est le pire des jobs de l’administration lorsque le locataire s’appelle Donald Trump. Il l’a donc accepté, mais sous certaines conditions. L’une d’entre elles passant par une meilleure coordination de la communication au sein de la Maison Blanche. »
Bannon, le fusible de l’ultra-droite
L’autre condition, c’est la tête de Steve Bannon. Les deux hommes ne s’apprécient guère. A l’aune de la reprise en main de ce général à la retraite, pur gestionnaire politique, l’interview donnée par Bannon au magazine The American Prospect le 16 août, dans laquelle il critique ouvertement la position de Donald Trump sur la Corée du Nord, sonne comme son chant du cygne. « Il n’aurait jamais donné une interview pareille s’il avait été conforté dans son poste », explique Vincent Michelot. Il y explique notamment qu‘ »il n’y a pas de solutions militaires possibles en Corée du Nord », alors que Trump avait promis quelques jours auparavant « le feu et la fureur » au régime de Pyongyang. Une remise en question de la parole présidentielle qui aurait pour habitude d’exaspérer John Kelly.
Garant d’une ligne populiste et ultra-droitière du programme de Donald Trump, Steve Bannon avait échoué sur des projets aussi inquiétants les uns que les autres : l’abrogation de l’Obamacare, « le Muslim Ban » ou l’érection du mur à la frontière mexicaine. Ses prises de positions assumées n’étaient pas toujours partagées par les autres conseillers de Donald Trump. Sur la question d’un engagement militaire en Afghanistan par exemple, des dissensions existaient vis-à-vis de ceux qui y étaient favorables comme le nouveau conseiller à la sécurité nationale, le général McMaster. Mais il peut compter sur quelques victoires comme la volonté de déclarer une véritable guerre commerciale à la Chine ou le retrait des Etats-Unis des Accords de Paris (même si Trump lui-même est largement en faveur de ce retrait).
A cet égard, le soudain revirement du président américain sur la question afghane, dans son très attendu discours à Fort Myer, le 21 août rebat les cartes. En refusant de créer « un vide qui serait aussitôt mis à profit par les terroristes » et maintenant les forces militaires américaines en place, il rompt avec la position de son ancien conseiller.
Le nouveau conseiller en immigration est une « création de M. Bannon »
Pourtant, certains signes laissent penser que l’ombre de Steve Bannon n’est pas près de se dissiper dans le ciel de Washington. D’après le New York Times, Donald Trump prête désormais une oreille particulièrement attentive à Stephen Miller pour tout ce qui concerne l’immigration. Or, le jeune conseiller (31 ans) se présente lui même comme une « création de M. Bannon. »
Habituellement peu loquace, Steve Bannon a pris les devants pour commenter son éviction et « clarifier les choses : (…) Je pars au combat pour Trump et contre ses opposants – au Capitole – dans les médias et dans le monde des affaires. » Concrètement, il reprend ses fonctions de président exécutif de Breitbart News, ce site nationaliste, ultraconservateur et considéré comme la plus importante plateforme de l’alt-right américaine et qui a activement participé à l’élection de Trump dans la dernière ligne droite de la campagne.
« La présidence Trump pour laquelle nous nous sommes battus est terminée »
Mais, « la vraie question, note le Washington Post, est de savoir si Bannon partira en guerre contre Trump maintenant qu’il a quitté le navire. » Lui-même a semblé laisser planer le doute dans un autre entretien, cette fois au Weekly Standards : « La présidence Trump pour laquelle nous nous sommes battus est terminée. Nous avons toujours un énorme mouvement et nous ferons quelque chose de cette présidence Trump. Mais ce sera autre chose. » Il n’en faut pas plus pour laisser entendre aux partisans de l’alt right que le combat est loin d’être terminé pour eux.
« La situation dépendra beaucoup de Trump, relativise David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama au New York Times. Si Bannon à travers Breitbart continue de l’appuyer, Trump pourrait très bien maintenir le dialogue avec lui. » Dans une très probable optique de stratégie de la détente, Donald Trump a rapidement multiplié les messages amicaux à Steve Bannon :
I want to thank Steve Bannon for his service. He came to the campaign during my run against Crooked Hillary Clinton – it was great! Thanks S
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) August 19, 2017
Steve Bannon will be a tough and smart new voice at @BreitbartNews…maybe even better than ever before. Fake News needs the competition!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) August 19, 2017
Pourtant, le discours de Trump à Fort Myer, le 21 août, contraire aux positions de Bannon, a engendré une réaction, publiée le jour-même sur Breitbart News. Une série d’articles très critiques sur le sujet et sur Trump a été publiée et mise en avant de façon à ce que personne ne puisse pas le voir.
Toutesfois, plusieurs éditorialistes américains estiment désormais que le président pourrait se « Kellyaniser », se demandant si le nouveau chef de cabinet peut « ramener de la cohérence à la Maison Blanche vu le caractère du numéro un américain ». Pour Vincent Michelot, on peut surtout s’attendre « à un peu plus de rationalité et de normalité dans le fonctionnement de la Maison Blanche. Mais pour qu’il y ait un changement de ligne politique, il faudrait encore qu’il en existe une cohérente. Pour l’heure, on risque surtout d’assister à une forme de modération sur les thèmes économiques. »
La rentrée s’annonce cruciale du point de vue économique pour le locataire du 1600, Pennsylvania Avenue. Le Congrès doit voter le budget 2018 le 5 septembre prochain. Selon le JDD, il promet une cure d’austérité avec des coupes sévères dans l’aide sociale et la diplomatie. Et si le budget n’est pas voté au 1er octobre, le gouvernement risque d’être en défaut de paiement et de fermer ses administrations centrales. Une hypothèse envisageable pour l’hebdomadaire tant le contexte politique s’y prête avec une majorité de plus en plus divisée.
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