La rencontre fertile de deux grands esprits de la musique d’aujourd’hui.
Depuis 2002 et le fondateur Vrioon, le Japonais Ryuichi Sakamoto et l’Allemand Alva Noto se plaisent à faire rimer leurs noms à travers un projet qui relève plus du dialogue à distance que de la grande communion. Après une enviable trajectoire dans la pop, le classique, les musiques de films et même la bossa nova, Sakamoto s’est ainsi reconnecté à sa jeunesse, lui qui fut le leader des Kraftwerk nippons (Yello Magic Orchestra), en collaborant avec Carsten Nicolai (Alva Noto), prodige du laptop et héritier lui-même des robots de Düsseldorf dont il prolonge en les radicalisant les théories sur son label Raster Noton, cellule chic de l’electronica minimaliste.
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Vrioon puis Insen (2005) allaient ainsi célébrer de la plus belle des façons la rencontre entre le piano charnel et méditatif de Sakamoto et l’acupuncture, voire la microchirurgie, pratiquée par Nicolai. Mais, on l’a dit, cette rencontre demeurait virtuelle, désincarnée en un ballet transatlantique d’échange de fichiers entre les deux musiciens, désynchronisant du coup sa réelle puissance émotionnelle. En 2006, pour quelques représentations exceptionnelles, le projet s’est enfin matérialisé sur scène et ce DVD, capturé au Portugal et en Espagne, donne à voir et à entendre (multi-angles et mix 5.1 sont les bienvenus) la profondeur et le bouillonnement de cette musique en apparence statique tout en l’inscrivant à l’intérieur d’une scénographie qui en augmente l’impact.
Certes, ça bouge moins ici qu’à un concert des Arctic Monkeys, Sakamoto et Nicolai se faisant face dans une pénombre que viendra foudroyer la lumière crue et agitée des projections géométriques d’arrière-plan. Le reste – mais ce “reste” est immense, insondable – se situe dans un infra réel, dans la perception individuelle face à cet éventail inouï de stimulations – sur les nerfs, la rétine, le rythme cardiaque… L’expérience d’y assister en direct n’est pas remplacée par ce DVD, mais ça donne une idée des sensations qu’une telle œuvre est en mesure de provoquer. Et les fans de Sakamoto, qui durant le concert rend autant hommage par l’étendue de sa gamme à Satie qu’à John Cage, ont même droit à la fin à une relecture plutôt épineuse du thème de Furyo. Comme toujours chez Raster Noton, l’objet est aussi splendide à entendre qu’à regarder – avec un livret de vingt pages, des photos, un texte éclairant.
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