Le pavillon de l’été 2017 de la Serpentine Gallery à Londres a été confié à l’architecte burkinabé Francis Kéré. L’événement en est à sa 17e édition et surprend comme chaque année par l’inventivité de ses architectures.
En arpentant les rues de Londres, depuis Carriage Drive jusqu’aux jardins de Kensington, on aperçoit au loin les formes élégantes du pavillon de la galerie Serpentine, version 2017. Comme chaque année, on ressent une certaine excitation à la découverte de la nouvelle architecture éphémère. C’est un sans faute pour le 17e opus: les parois bleu indigo du bâtiment et les courbes lascives et perforées forment un véritable maillage textile à l’origine d’une architecture toute en finesse et en légèreté .
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Une architecture novatrice pour un architecte au parcours atypique
Le bâtiment, oscillant entre brun et bleu, offre un superbe contraste avec la raideur du gazon anglais tandis que les lattes de bois forment une toiture aérienne qui enveloppe les arbres et se fond dans la canopée du parc. « Cette couleur bleue est très importante dans ma culture, c’est une couleur de célébration », explique l’architecte burkinabé, Francis Kéré, dont le parcours sort nettement des sentiers battus. Né à Gando en 1965, Kéré aura été l’un des rares jeunes adultes de son village à avoir accès à l’enseignement. Il obtient une bourse pour se rendre à Berlin et mettra cet exil à profit en poursuivant brillamment ses études. Aujourd’hui installé dans la capitale allemande, il n’en oublie pas moins son Afrique natale : encore étudiant, il a crée en 1999 l’association Une brique pour Gando, afin de récolter des fonds pour y construire des équipements en Afrique. C’est ainsi qu’il réalisera, en collaboration avec les habitants, l’école primaire et secondaire de Gando ou encore un centre coopératif pour les femmes.
Rudimentaires en apparences, ses édifices n’en sont pas moins inventifs et d’une grande puissance esthétique. Ils allient, comme toujours dans l’architecture de Kéré, une finesse des lignes et des matériaux avec une stabilité et un ancrage dans le sol qui créent un sentiment de confort et de légèreté. On remarque dans Gando Primary School, l’utilisation de matériaux aux couleurs en accord avec l’environnement qui rappellent la terre couleur argile et la teinte aride des arbres. Kéré est reconnu mondialement pour se constructions et enseigne aujourd’hui dans les plus grandes écoles internationales où il collabore avec de grandes institutions comme la Royal Academy ou le Vitra Design Museum.
L’architecture: un abri au coeur de la nature
« Je travaille souvent en tenant compte de la nature. À Londres, dans les jardins de Kensington, le concept est simple, je me suis inspiré de la forme d’un arbre dans le paysage. De là où je viens, au Burkina Faso, un arbre est souvent un espace public en dessous duquel les gens se rassemblent. » Si la métaphore est un exercice périlleux en architecture, Kéré s’y est brillamment confronté. Lieu de rassemblement public devenu très populaire dans la capitale britannique, le pavillon est protégé par une couverture en forme d’entonnoir, fermé par de secrètes feuilles de plexiglas, habillées de treillis de bois. Au centre, l’espace reste ouvert, et se transforme en chute d’eau, lors des périodes de pluie. Récupéré pour irriguer le parc le précieux liquide est mis en scène au sein de l’architecture. Par temps chauds, « l’air circule à travers les murs perforés, car l’idée était de créer une grande canopée qui soit aussi un abri permettant au visiteur de ressentir les éléments naturels alentours », précise Kéré.
On retrouve les principes de l’architecture moderniste mise en place par Le Corbusier avec cette idée d’une architecture ouverte à la nature. Le Corbusier concevait cette nature accessible à travers de larges baies vitrées qui remplaçaient les fenêtres trop exigües ; Kéré pousse l’idée jusqu’au bout puisque son architecture n’a aucune porte ni fenêtre. La dichotomie entre intérieur et extérieur est niée : le visiteur parcourt le bâtiment comme s’il se baladait dans un parc sans que sa vue soit obstruée par l’opacité des murs ou l’étroitesse des fenêtres. La nature n’est plus un ailleurs, elle est partie prenante de l’architecture, laquelle n’a pas d’existence propre sans son environnement naturel.
Le Pavillon Serpentine : un lieu incontournable dans l’actualité de l’architecture contemporaine
L’architecte expliquait lors de l’inauguration : « La tâche n’était pas facile car il fallait passer derrière des architectes dont les œuvres sont majeures dans l’histoire de la discipline », tels que Hadid, Koolhass, Ito, Herzog & de Meuron, Gehry… parmi les plus anciens. Crée en 2000 par Julia Peyton-Jones, directrice du Centre d’art jusqu’en 2016 dernier, remplacée depuis par Yana Peel, la Sperpentine accueillera jusqu’ai 8 octobre 2017 des performances multidisciplinaires dont les picnics talks.
Initiés par Kéré ces rencontres permettent à divers collectifs de proposer des initiatives en matière de changements sociaux. Le « Manifesto Marathon », bouquet final de la saison est chaque année un feu d’artifice d’excellents débats orchestrés par le directeur artistique de la galerie et éminent critique international, Hans Ulrich Obrist. Ce dernier a su cette année s’appuyer sur les conseils avisés des architectes internationaux David Adjaye et Richard Rogers, tous deux installés à Londres.
La force de l’événement est d’avoir su se renouveler au fil des années. Ainsi, depuis 2015 le pavillon a été confié à la jeune génération d’architectes émergents qui ont su ouvrir de nouvelles perspectives expérimentales en terme d’architecture et d’environnement. Le Pavillon de la Serpentine, plus qu’une architecture, est devenu un événement incontournable. Les architectes qui y prennent place riment avec un label architectural de qualité, renommé dans la scène artistique internationale.
Pavillon de la Serpentine 2017 jusqu’au 8 octobre, Jardins de Kensington à Londres
http://www.serpentinegalleries.org/explore/pavilion
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