Cuisse musclée contre cuisse légère : la récente affaire “Zahia D.” a mis en lumière la passion excessive des footballeurs pour les filles de la nuit. La cinquième mi-temps comme si vous y étiez.
Chez les footballeurs, on appelle ça le “dégagement”, l’équivalent de la “perm” chez les militaires. Ça commence dès le samedi soir pour ceux qui ont joué en championnat de Ligue 1 à Lens, Lille, Auxerre, Boulogne, Le Mans ou Valenciennes.
A peine sortis de la douche, des joueurs filent en voiture vers Paris. Certains déboulent de Londres en Eurostar ; d’autres arrivent d’Espagne ou d’Angleterre en jet privé, en transitant par l’aéroport du Bourget (5 000 à 10000 euros l’aller-retour, une broutille pour un footballeur). Ce sont en majorité des joueurs français, mais certains viennent aussi de l’étranger.
Les Brésiliens sont les mieux représentés, et ils ont joué un rôle non négligeable dans l ’encanaillement des joueurs de Ligue 1. C’est un grand défenseur brésilien officiant en France à la fin des années 80 qui aurait commencé à mettre les footballeurs français au parfum : à la fin des matchs, il prenait sa voiture et partait faire la bringue jusqu’à Barcelone. La distance est soudain devenue un détail.
A Paris, les clubs les plus prisés par les joueurs sont le Pink Paradise, le Queen, Chez Castel ou Chez Régine, le Hustler Club ou La Suite. Le Milliardaire est un véritable repaire à footeux, surtout le dimanche soir. En avril, quelques heures après la fin d’un match, le bus de l’un des plus grands clubs français est vide. Plusieurs joueurs avaient semble-t-il reçu de leur entraîneur l’autorisation d’opérer un “dégagement” du côté de Paris. Durant le week-end, plusieurs joueurs de ce même club seront aperçus en compagnie de jeunes demoiselles du côté des Champs-Elysées.
Les entraîneurs actuels de Ligue 1, qui pour certains sont d’anciens joueurs encore assez jeunes, ont pour la plupart une bonne connaissance du “dégagement” – l’ayant eux-mêmes pratiqué, parfois très en profondeur.
Un joueur raconte : “Tout le monde, dans le milieu, connaît les pratiques. Ce sont les mêmes endroits, les mêmes intermédiaires, les même filles. Ça se passe dans tous les clubs de foot. C’est facile pour les joueurs, ils ont l’argent, leurs femmes ferment les yeux. Les clubs ont les moyens de faire pression pour que tout le monde se taise. Tout va bien, sauf quand plusieurs joueurs partagent la même fille. Ce qui arrive souvent… Tout ça a fichu le souk dans pas mal de clubs. Souvent, les relations entre les joueurs et les filles sont assez informelles. Ce ne sont pas des prostituées classiques avec des tarifs affichés à l’avance, mais des filles qui tournent autour des clubs. Elles ont une aventure avec un joueur, il leur donne de l’argent… Après, elles passent à d’autres joueurs. Elles se font entretenir comme ça. Ca finit par ressembler à de la prostitution. Mais quand tu es pro, tu n’as pas vraiment eu d’adolescence, tu étais au centre de formation, tu n’as pas eu le temps de courir les filles, tu t’es marié tôt, parce que bon, ça rassure les dirigeants, les entraîneurs. Mais tu te rattrapes après…”
Tu te rattrapes surtout quand tu es sélectionné en équipe de France, où le “dégagement” serait un véritable sport (en chambre). “Quand ils viennent en équipe de France, les joueurs sont loin de leur famille et le sentiment de liberté est totalement exacerbé”, explique un salarié de la Fédération française de football (FFF).
Après les matchs à Paris, des joueurs quittent le Stade de France sapés comme des milords, dans les voitures de leurs amis, et s’enfoncent dans les boîtes de la ville. Les Bleus les plus malins demandent à leurs amis de venir les chercher les soirs de stage à Clairefontaine, où ils sont censés “être au vert”.
“Certains joueurs quittent le stage en soirée et se font récupérer par des copains qui les emmènent à Paris et les ramènent dans la nuit à Clairefontaine. C’est souvent le privilège des plus anciens”, poursuit le salarié de la FFF.
En coulisses, on raconte que certains joueurs ont accepté de poursuivre leur carrière en équipe de France en échange d’une grande souplesse sur les “dégagements”. Un témoin affirme même qu’il existerait “dans l’entourage des joueurs une personne qui s’occupe directement des dégagements, pour leur faciliter les choses. A chaque déplacement des Bleus, cette personne est chargée de trouver le personnel le plus apte à satisfaire les sélectionnés”.
La tradition du sexe est en équipe de France une vieille histoire. L’un des sommets aurait été atteint lors du stage précédant le match France- Israël, perdu en 1993 par les Bleus, qui coûta avec une autre défaite contre la Bulgarie la qualification à la Coupe du monde 1994 (on sait aujourd’hui que Kostadinov n’est pas le seul responsable du coup de bambou). C’est dans un club parisien proche des Champs-Elysées que se sont tenues les fêtes précédant France-Israël. Le club était alors tenu par un producteur porno. Il est devenu un véritable point de rendez- vous pour les Bleus. On dansait au rez-de-chaussée, et au premier on s’envoyait des filles, parfois en compagnie des journalistes qui avaient leurs entrées, et qui n’avaient pas intérêt à ce que cela se sache.
Un habitué raconte : “C’était un club à l’ancienne, avec un vrai décorum, un vrai filtrage à l’entrée. Les joueurs se mélangeaient à la clientèle, certains participaient, d’autres venaient simplement boire un verre ou danser. Les filles qui étaient là avaient une certaine tenue, elles étaient consentantes, ce n’était pas l’abattoir.”
Ce club est resté l’endroit phare des joueurs de la génération 90 des Bleus, jusqu’en 1998, où leur extrême popularité a rendu ces petites fêtes trop risquées. Elles sont alors devenues encore plus privées.
Un ancien joueur de l’équipe championne du monde en 1998 raconte : “Les joueurs avaient négocié trois soirées décompression pendant la préparation… On leur avait loué un étage d’un grand palace parisien, et ils faisaient venir les filles.” L’endroit aurait même bénéficié d’une protection très officielle.
Depuis, on s’amuse plus discrètement. Après la Coupe du monde de 1998, les Bleus champions du monde ont été contraints à beaucoup plus de discrétion. Certains ont continué à traîner du côté des boîtes parisiennes, mais dans des fêtes essentiellement privées, grâce à des types de leur entourage qui se sont occupés des filles, comme d’autres s’occupent des impôts ou des voitures. Les relations avec les “filles” se sont quasi institutionnalisées, et le “milieu” s’est donc intéressé à ce fructueux business. L’affaire “Zahia D.” en est un exemple récent témoigné.
Photo : Leslie Artamonow, Stud XI, 1996, de Freddy Contreras. Image extraite de l’exposition One Shot Football et art contemporain, jusqu’au 11 juillet au BPS22 à Charleroi.