Depuis l’avènement de la Ve République, dix premières dames se sont succédé. Dans l’ombre de leur président de mari, certaines se sont éclipsées tandis que d’autres ont cherché à exister, autrement qu’en tant que maîtresse de maison du palais de l’Elysée.
Si l’été n’est pas de tout repos pour le président de la République, son épouse a aussi de quoi s’occuper. Brigitte Macron a suivi toute la grossesse de Huan Huan, la femme panda du zoo de Beauval, sur les réseaux sociaux. Celle qui a précisé désormais « tout connaître de la reproduction des pandas » est devenue la « très heureuse » marraine du petit ursidé né le 4 août. Les prochaines missions de la nouvelle première dame de France ? Donner son approbation dans le choix du prénom et rendre visite au nouveau né. Lorsqu’elles ne deviennent pas marraines de bébé panda, les premières dames distribuent des cadeaux de Noël, s’investissent dans des œuvres caritatives ou posent sur des photos officielles. Un rôle dessiné par les premières dames successives.
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#OFFICIEL Brigitte Macron appelle #Beauval et accepte avec joie d’être marraine de #MiniYuanZi :) #BBpandaBeauval pic.twitter.com/RbCoC0YveN
— ZooParc de Beauval (@zoobeauval) 5 août 2017
Mais quelle est la place de la première dame de France ? Contrairement à la « first lady » américaine, elle n’a pas d’existence juridique et ne dispose pas de budget propre. Néanmoins, sa présence entraîne des dépenses publiques. Valérie Trierweiler disposait de cinq collaborateurs à l’Elysée et le staff de Carla Bruni-Sarkozy coûtait 37 000 euros nets par mois à la fin du quinquennat de son mari, selon Libération. Toujours d’après le quotidien, en 2014, la Cour des comptes évaluait à 450 000 euros par an le bureau, le cabinet et le service de protection de celle qui partage la vie du président.
« Elle reçoit plus de 200 lettres par jour » et « maintient ce lien avec les Français » a tweeté Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, pour justifier la création d’un statut de la première dame. Mais confronté à une levée de boucliers, l’Elysée a reculé et évoque désormais la création d’une « charte de la transparence« .
#BrigitteMacron joue un rôle, a des responsabilités. Nous voulons de la transparence et encadrer les moyens dont elle dispose.
— Christophe Castaner (@CCastaner) 7 août 2017
La première dame n’est pas élue par les Français mais les représente tout de même. Une situation paradoxale qui la cantonne souvent à un rôle de représentation, ou de « potiche ». « Les Français ne veulent pas d’une première dame qui leur coûte plus d’argent mais qui se contente d’accompagner son mari« , pointe Robert Schneider, ancien journaliste et auteur du livre Premières dames (éd. Perrin).
Un rôle a minima dont se sont contentées les premières dames des trois premiers présidents de la Ve République. « Comme ensuite Bernadette Chirac, elles incarnent le rôle de la femme dans un couple bourgeois. Elles sont passées de la maison de leur père à celle de leur mari« , explique Robert Schneider. Yvonne de Gaulle cultive la discrétion : « Elle ne voulait pas que son mari se représente aux élections présidentielles de 1965, mais de Gaulle a répliqué : ‘Arrêtez Yvonne, vous n’y connaissez rien' », raconte l’ancien journaliste. « Tante Yvonne » laisse néanmoins sa trace, c’est elle qui fait pencher son mari en faveur de la loi Neuwirth, autorisant la pilule.
« Claude Pompidou s’est complètement effacée lors du mandat de son mari », pose Robert Schneider. Idem pour la discrète Anne-Aymone Giscard d’Estaing. À en croire toutes les intéressées, le « job » n’est pas des plus réjouissant. « A l’exception de Bernadette Chirac, toutes ont été malheureuses à l’Elysée. Elles se plaignent de l’impossibilité de mener une vie normale« , explique Robert Schneider.
Danielle Mitterrand s’empare elle de sa place et s’en sert pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur, à l’instar des Tibétains ou des Kurdes. « Je ne suis pas une potiche’« , prévient-elle. « Danielle Mitterrand s’est surtout investie sur la scène internationale et a pris des positions différentes de la diplomatie française« , éclaire l’ancien journaliste. Elle oeuvre activement pour que Fidel Castro soit reçu à l’Elysée et l’embrasse chaleureusement devant les caméras du monde entier. Mais elle s’exprime aussi sur la scène intérieure. En 1993, elle critique la politique d’immigration menée par Charles Pasqua, lors de la cohabitation. « Qui veut faire taire Danielle ?« , répliquent des députés de droite dans une tribune, lui reprochant de ne pas rester à sa place.
Scandale ! Danielle Mitterrand et Fidel Castro | Personne ne bouge https://t.co/0qs4eBbjK6
— Stick2Music (@Stick2Music) 13 juillet 2017
Mais les limites de cette dernière n’ont jamais été définies. Elles dépendent donc de la première dame qui occupe la « fonction ». À Paris Match, lui demandant de décrire ses fonctions de première dame, Bernadette Chirac répond : « Cela requiert une certaine habileté, du savoir-vivre (…) l’épouse doit être élégante, présente et discrète« .
La jurisprudence Bernadette Chirac sera balayée par Cécilia Sarkozy. Aucune première dame n’a eu plus d’influence qu’elle lors de son éphémère passage à l’Elysée, d’après Robert Schneider. « Sarkozy avait tellement peur qu’elle se sépare à nouveau de lui qu’il lui cédait tous ses caprices« , assure l’ancien journaliste qui souligne qu’elle fait alors nommer sa grande amie Rachida Dati ministre de la justice. Elle s’implique aussi sur la scène internationale en participant à la libération des infirmières et d’un médecin bulgare, accusés à tort d’avoir inoculé le virus du sida à ses patients et emprisonnés en Libye. Mais durant ses cinq mois à l’Elysée, Cécilia Sarkozy fait polémique lorsqu’il est révélé qu’une carte bancaire lui est réservée.
Le flou qui entoure l’existence de la première dame revient dans le débat public lors du quinquennat Hollande. La compagne de François Hollande, Julie Gayet, refuse d’endosser le rôle, une première dans la Ve République. Elle n’a donc pas d’existence publique mais sa protection policière aurait couté 400 000 euros par an.
Brigitte Macron n’aura peut-être pas de statut mais elle continuera à disposer des moyens dont ont bénéficié toutes les premières dames, avec plus ou moins de largesses. Bernadette Chirac avait deux chauffeurs personnels, rappelle Libération. Une époque révolue. Brigitte Macron doit s’en contenter d’un seul.
Premières dames, de Robert Schneider, éd. Perrin, 19,90€
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