Le Festival de Cannes innove : réalisée pour Canal+, la minisérie Carlos, d’Olivier Assayas, sera montrée hors compétition.
Un frisson a parcouru récemment l’amateur de séries, persuadé que son univers préféré avait remporté une victoire symbolique sur le cinéma. Rappel des faits : une heure avant la conférence de presse du 15 avril annonçant les sélectionnés au prochain Festival de Cannes, le président Gilles Jacob émettait des doutes sur la participation d’un film de nature télévisuelle à la compétition, le triptyque Carlos (5 h 30), réalisé par Olivier Assayas pour Canal+.
Les craintes de Jacob étaient d’ordre légal, liées à la chronologie des médias dans l’Hexagone : un film français produit pour le petit écran ne peut sortir en salle avant sa diffusion télé… Le délégué général Thierry Frémaux souhaitait malgré tout inclure l’oeuvre à la compétition mais n’a eu d’autre choix que de reporter l’annonce.
« Carlos » diffusé à Cannes et sur Canal + en même temps
Après négociations, au cours desquelles Rodolphe Belmer, l’homme fort de la chaîne cryptée, est monté au créneau, un compromis a été trouvé, largement connu aujourd’hui : Carlos sera bien présent à Cannes, mais hors compétition, et diffusé le même jour (le 19 mai) sur Canal+.
Il n’en a pas fallu plus pour que blogs et articles de presse fassent de cette minicrise une bataille idéologique entre “l’ancien” Jacob et le “moderne” Frémaux, et proclament, ahuris ou ravis selon leur camp, la sélection d’une “série télé” au Festival de Cannes.
Même si rien ne nous ferait plus plaisir, il faut modérer l’effet d’annonce. Certes, Carlos a été financé et développé par l’unité Création originale de Canal+, qui a mis à l’antenne Pigalle, la nuit ou Engrenages – des séries, donc – mais aussi nombre de téléfilms et de miniséries (par exemple Les Prédateurs de Lucas Belvaux sur l’affaire Elf).
Déjà deux palmes pour des téléfilms
Carlos fait partie de cette dernière catégorie. Pensé comme un (long) film de cinéma, le triptyque d’Assayas s’accommode du support télévisuel mais n’a rien en soi d’une série télé. Le cinéaste rejoint sur ce terrain l’une de ses idoles, Ingmar Bergman, qui a multiplié les expériences de cinéma sur petit écran (Fanny et Alexandre, Scènes de la vie sonjugale, Saraband). Rappelons aussi que deux Palmes d’or cannoises ont été attribuées à des téléfilms (Padre Padrone des frères Taviani en 1977 et Elephant de Gus Van Sant en 2003 ).
Malgré tout, la sélection d’une série télé au Festival de Cannes arrivera tôt ou tard. Parce que certains des plus grands créateurs de formes travaillent exclusivement pour le petit écran, comme David Simon – The Wire, Treme – ou Matthew Weiner –Mad Men.
Mais le grand saut n’aura pas lieu cette année. A moins que ? Le long pilote (1 h 30) de Boardwalk Empire, série créée par un ancien des Soprano, Terence Winter, devait selon plusieurs sources trouver place sur la Croisette avant sa diffusion sur HBO à l’automne. Pour l’instant, des soucis d’emploi du temps rendent l’affaire difficile. Mais le nom de son réalisateur pourrait arranger tout cela : Martin Scorsese. Le ver de la télé est bien dans le fruit cinéma. Bonne nouvelle !
Photo : Edgar Ramirez incarne Carlos