Après une garde à vue litigieuse, la Commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) vient de faire part de ses remontrances aux policiers de la Goutte d’Or. Un commissariat abonné à la rubrique des faits-divers.
Métro Château Rouge, le 28 septembre 2008. A la vue de la police, des vendeurs à la sauvette s’éparpillent comme une volée de moineaux. Seule Augusta M. reste en place, un épi de maïs à la main. Elle dit l’avoir acheté en même temps que ses courses, mais les policiers contrôlent son identité, l’arrêtent et la placent en garde à vue au commissariat du XVIIIe arrondissement.
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Sur les conditions de l’arrestation, bien sûr, les versions divergent. La police dit avoir vu une transaction entre Augusta M. et un passant mais les trois gardiens de la paix présents ne s’accordent pas là-dessus. Ils expliquent qu’Augusta M. « était très virulente, manifestait bruyamment sa colère d’être contrôlée, proférait des insultes ».
De son côté, elle accuse les policiers de l’avoir bousculée et fait tomber à terre, les jambes à l’air. Alors que des personnes tentaient d’intervenir, les agents les éloignent avec des bombes lacrymogènes.
La Commission nationale de déontologie de la Sécurité (CNDS), qui examine les manquements présumés des forces de police, a rendu son avis sur cette arrestation le 20 avril. Elle reproche aux fonctionnaires les « conclusions hâtives », leurs « gestes de coercition excessifs » et « l’absence de suivi personnalisé de la garde à vue ».
Une nouvelle fois, la CNDS rappelle que « l’usage des menottes et entraves doit répondre à une impérieuse nécessité et être mis en œuvre avec discernement ». Elle estime que le transfert entre le poste de police et l’hôpital s’est déroulé dans de mauvaises conditions : diabétique, Augusta M. a dû attendre huit heures pour être emmenée.
Enfin, la commission juge injustifié d’avoir prolongé la garde à vue toute une nuit. Et elle demande un rappel à l’ordre pour un gardien de la paix « rédacteur et signataire d’un procès-verbal lui attribuant des actes de procédure qu’il n’a pas accomplis personnellement ».
Précédents gênants
Dans ce commissariat, « 5000 gardes à vue sont actées chaque année, soit 14 par jour en moyenne », selon la CNDS. Un nombre considérable dans l’un des quartiers les plus difficiles de la capitale. Ces dernier temps, quelques-unes ont mal tourné.
Le 13 avril, un homme d’origine sénégalaise vient déposer plainte à la Goutte d’or pour usurpation d’identité. Dans des circonstances encore obscures, une altercation se produit et il dévale les escaliers, se blessant à la tête. Il est ensuite victime d’un malaise et tombe dans le coma. L’IGS a également ouvert une enquête.
Le 12 février, un enseignant et son frère sont arrêtés à leur domicile pendant une fête et passent la nuit en garde à vue. Dans un témoignage, l’un des jeunes hommes dit avoir été « roué de coups » « menotté au sol » et ses amis auraient subi diverses intimidations. Une enquête IGS a été ouverte.
Le 15 juin 2009, le jeune photographe colombien Juan Pablo Gutierrez, qui venait déposer plainte, a déclaré avoir été insulté, humilié et frappé au commissariat. Il a perdu 40 % de son audition à l’oreille gauche. Sa plainte à l’IGS a été classée sans suite par le parquet en février.
Le 12 février 2008 dans le même commissariat, les policiers avaient placé en garde à vue durant six heures un enfant de 9 ans, pour avoir giflé une camarade de sa classe de CM 1.
En 2007, une femme soupçonnée de trafic de drogues reçoit un appel lui demandant de se rendre au collège de ses enfants. Croyant avoir rendez-vous avec le conseiller principal d’éducation, elle est arrêtée à la porte.
A plusieurs reprises, les élus locaux ont alerté la préfecture sur les problèmes de ce commissariat, et saisi plusieurs fois la CNDS. Le 26 avril, après réception de l’avis qu’elle avait sollicité, la sénatrice communiste Nicole Borvo a demandé un entretien au préfet de police de Paris pour qu’il lui indique « les mesures prévues en vue d’améliorer le fonctionnement de la police du XVIIIe arrondissement ».
Photo : le commissariat du XVIIIe arrondissement.
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