Rattrapé par le scandale sur l’emploi de ses filles comme assistantes parlementaires au Sénat, Michel Mercier a annoncé mardi 8 août renoncer à l’aile Montpensier du Palais-Royal. Retour sur le nouvel épisode du feuilleton sur les emplois familiaux de nos élus.
Son ascension politique s’achève ici. Michel Mercier ne deviendra pas « un Sage ». L’ancien ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy a annoncé mardi 8 août dans un communiqué de presse qu’il renonçait à intégrer le Conseil constitutionnel. »Alors que ma nomination n’est pas définitive, et dans les conditions créées par l’ouverture de cette enquête, je considère aujourd’hui que je ne pourrai pas siéger avec la sérénité nécessaire au Conseil constitutionnel« , a déclaré le sénateur MoDem. Nommé fin juillet par le président du Sénat, Gérard Larcher, Michel Mercier devait assurer le remplacement de Nicole Belloubet, fraîchement entrée au gouvernement en tant que nouvelle garde des Sceaux. Le chemin du sénateur du Rhône vers la rue de Montpensier semblait alors tout tracé.
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C’était sans compter sur Le Canard Enchaîné. Mercredi 2 août, l’hebdomadaire publie des révélations sur un possible emploi familial fictif orchestré par Michel Mercier. Le journal affirme que ce proche de François Bayrou a employé deux de ses filles comme assistantes. La première, Véronique, de 2003 à 2012, dans des ministères ainsi qu’au Sénat. Quant à sa seconde fille, Delphine, elle aurait travaillé à temps partiel au Sénat de septembre 2012 à avril 2014, pour un salaire mensuel brut de 2 000 €.
Localisation trouble et explications confuses
Si la justice s’interroge sur la réalité du travail d’assistante parlementaire effectué par les filles de Michel Mercier, c’est le second contrat qui pose plus particulièrement problème. Le journal publie en effet une « fiche de renseignement » signée par Delphine dans laquelle cette historienne d’art indique qu’elle demeure à Londres. Or, il n’est pas encore interdit d’embaucher un membre de son entourage (ce qui le sera quand la loi de moralisation de la vie publique aura été adoptée), du moment que celui-ci effectue un travail réel. D’autre part, Delphine aurait très bien pu assister son père au palais du Luxembourg tout en résidant outre-Manche si ses tâches ne consistaient qu’à de prosaïques notes.
Sauf que Michel Mercier a lui-même invoqué des « dossiers, localement, très lourds en matière culturelle » ce même mercredi 2 août, alors entendu par la commission des lois du Sénat en vue de la validation de sa nomination. Il explique que sa fille aurait travaillé à mi-temps sur des questions de « préservation du patrimoine, de coopération internationale, de culture numérique« , sur lesquelles « elle a une expertise« . Michel Mercier n’a toutefois pas précisé sur quels dossiers Delphine aurait planché. Enfin, il n’en a pas démordu quant au fameux lieu de résidence de son employée : « elle était domiciliée à l’époque en France » soutient-il toujours fermement… Avant de confirmer que sa fille faisait malgré tout quelques petits boulots d’appoint à Londres, « car il faut bien vivre« . En dépit d’explications parfois confuses, l’homme politique s’est vu largement adoubé par les sénateurs, qui ont validé sa nomination par 22 voix contre 7.
Mais le parquet national financier reprend la main et poursuit son enquête sur d’éventuels détournements de fonds publics. Le vendredi 4 août, les enquêteurs disposent d’un mandat pour mener une perquisition au Sénat. Avant de se voir stopper net par le président, Gérard Larcher, qui estime que « l’objet et l’étendue » de l’opération ne sont pas suffisamment précisés.
Poussé à renoncer ?
Néanmoins, le Conseil constitutionnel a publié un communiqué en fin de journée rappelant qu’il lui appartenait « d’apprécier si l’un de ses membres a manqué à ses obligations« . « En pareil cas« , il « se prononce à la majorité » de ses membres et « peut, le cas échéant, constater la démission d’office de l’un de ses membres ». Un message qui pourrait bien être interprété comme une pression invitant l’intéressé à renoncer à son poste. Le cas échéant, voilà qui est chose faite.
Même si Michel Merci n’a pas tout perdu : « J’ai choisi de renoncer à cette nomination et de conserver mes mandats électifs » a-t-il précisé. En effet, l’ex-élu pourrait bien retrouver son siège de sénateur, comme nous en informe Mathieu Carpentier, professeur de droit à l’université de Toulouse sur son compte Twitter : « Comme M. Mercier a renoncé à entrer au Conseil moins de huit jours après la publication de sa nomination (délai fixé par la loi), il retrouve son siège de sénateur« .
Comme M. Mercier a renoncé à entrer au Conseil moins de 8 jours après la publication de sa nomination, il retrouve son siège de sénateur
— Mathieu Carpentier (@droitobjectif) 8 août 2017
Un « retour à la case départ » qui ne s’opérera pas sans y laisser quelques plumes d’après Arnaud Duranthon, maître de conférences de droit public à l’Université de Strasbourg : « Cette affaire -dont la résolution judiciaire reste à venir et au sujet de laquelle il faut garder en mémoire la présomption d’innocence- devrait constituer un handicap certain pour M. Mercier, dont les velléités de se présenter à la présidence du Sénat ont souvent été avancées. »
Le président du Sénat, lui, devra procéder à une nouvelle nomination dans les prochaines semaines. Veillant toutefois à ne pas agir dans la précipitation, surtout suite à la débâcle. Car comme l’a confié l’entourage de Gérard Larcher au Figaro, « Ça ne va pas se faire demain« .
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